Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
Vom Netzwerk:
propriété ou sur les consommations, peut être répartie
sur tout le corps de la nation ; mais la plus grande partie des terres de
la Gaule et des autres provinces romaines étaient cultivées par des esclaves ou
par des paysans dont l’état précaire n’était qu’un esclavage mitigé [1961] . Les pauvres
travaillaient pour les riches et vivaient à leurs dépens ; et comme l’on
n’inscrivait sur le rôle des impositions que ceux qui avaient une certaine
propriété, le petit nombré des contribuables explique et justifie le taux élevé
de leur impôt. L’exemple suivant confirmera la vérité de cette observation. Les Æduens , une des tribus les plus puissantes et les plus civilisées de la
Gaule, occupaient le territoire uniforme, aujourd’hui les deux diocèses [1962] de Nevers et
d’Autun, dont la population s’élève à plus de cinq cent mille habitants ;
et, en y joignant le territoire [1963] de Châlons et de Mâcon, qui alors y était probablement compris, on aura une
population de huit cent mille âmes. Sous le règne de Constantin, les Æduens
n’étaient compris dans les rôles que pour vingt-cinq mille têtes de capitation,
sur lesquelles sept mille furent exemptées, par ce prince, d’un tribut qu’elles
étaient hors d’état de payer [1964] .
Ces remarques paraîtraient, par analogie, justifier l’opinion d’un ingénieux
historien [1965] ,
qui prétend que dans l’empire le nombre des citoyens libres payant l’impôt ne
s’élevait pas à plus de cinq cent mille, et si, dans l’administration ordinaire
du gouvernement, les paiements annuels pouvaient  être calculés à quatre
millions et demi sterling, il s’ensuivrait que, quoique la part de chaque
citoyen fût des trois quarts plus forte qu’aujourd’hui, la Gaule, comme
province romaine, ne payait cependant qu’un quart de ce que la France paie de
nos jours. Les exactions de Constance portèrent les tributs à sept millions
sterling ; ils furent réduits à deux millions sterling, par la sagesse ou
l’humanité de Julien.
    Mais comme une nombreuse et opulente classe de citoyens
libres se trouvait exempté d’une taxe ou capitation qui ne frappait que sur les
propriétaires des terres, les empereurs, qui voulaient aussi partager les
richesses qui sont le fruit de l’art et du travail, et qui ne consistent qu’en
argent comptant et en marchandises, imposèrent personnellement tous ceux de
leurs sujets qui s’occupaient du commerce [1966] .
Ils accordèrent, à la vérité, à ceux qui vendaient le produit de leurs propres
domaines, quelques exemptions rigoureusement bornées à certains temps et
certains endroits ; la profession des arts libéraux obtint aussi quelque
indulgence, mais toute autre espèce de commerce ou industrie fut soumise à la
sévérité de la loi. L’honorable marchand d’Alexandrie qui rapportait dans
l’empire les diamants et les épices de l’Inde, l’usurier qui tirait en silence
de son argent un revenu ignominieux, l’ingénieux manufacturier, l’adroit
mécanicien, et jusqu’au plus obscur détail d’un village écarté, tous étaient
obligés de faire entrer les préposés du fisc de part dans leurs profits ;
et le souverain de l’empire romain consentait à partager l’infâme salaire de la
prostitution dont il tolérait, le trafic [1967] .
Comme on ne levait que tous les quatre ans la taxe assise sur l’industrie, on
la nommait la contribution lustrale. On peut lire les lamentations de
l’historien Zozime [1968] sur l’approche de la fatale période, annoncée par les terreurs et par les
larmes des citoyens, qui se  trouvaient souvent forcés d’user des ressources
les plus odieuses et les plus répugnantes à la nature pour se procurer la somme
qu’on extorquait à leur misère par la crainte des châtiments. On ne peut nier,
à la vérité, que le témoignage de Zozime ne porte tous les caractères de la
passion et de la prévention ; mais de la nature même de ce tribut, on peut, ce
me semble, raisonnablement conclure que sa répartition devait être arbitraire,
et sa perception rigoureuse. Les richesses secrètes du commerce et des profits
précaires du travail et de l’art ne sont susceptibles que d’une estimation
arbitraire, qui est rarement désavantageuse aux intérêts du trésor. Le
commerçant ne pouvant offrir pour caution de son paiement, des terres et des
récoltes à saisir, toute sa solvabilité consiste dans sa personne, et l’on ne
peut

Weitere Kostenlose Bücher