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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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administration dés empereurs romains, dans un temps
où les Barbares n’avaient pas encore pu pénétrer en Italie [1955] .
    Il paraît que, soit qu’on l’eût ainsi régler à dessein ou
par hasard, cet impôt par le mode de levée qu’on employait, offrait à la fois
la nature d’une taxe territoriale et les formes de la capitation [1956] . La taxe que
fournissait chaque ville ou chaque district représentait à la fois le nombre
des contribuables et le montant des impositions publiques. On divisait la somme
totale par le nombre des têtes, on disait communément que telle province
contenait tant de têtes de tribut et que chaque tête payait telle somme. Cette
opinion n’était pas reçue du peuple seulement, mais elle était admise dans le
calcul fiscal. Le taux de ce tribut personnel a sans doute varié avec les
circonstances, mais on a conservé la mémoire d’un fait curieux et d’autant plus
frappant qu’il s’agit d’une des riches provinces de l’empire, aujourd’hui le
plus puissant royaume de l’Europe. Les ministres de Constance avaient épuisé
les richesses de la Gaule, en exigeant vingt-cinq pièces d’or pour le tribut de
chaque habitant. Mais la politique humaine de son successeur réduisit à sept pièces [1957] cette énorme
capitation. En prenant un terme moyen entre la plus grande vexation et cette
indulgence passagère, on peut évaluer le tribut ordinaire d’un Gaulois à seize
pièces d’or ou neuf livres sterling [1958]  ;
mais ce calcul ou plutôt les faits sur lesquels il est appuyé, offrent à la
réflexion deux difficultés : on sera surpris et de l’égalité et de l’énormité
de cette capitation. En essayant de les résoudre, peut-être jetterai-je quelque
lumière sur l’état où étaient alors les finances de cet empire à son déclin.
    1° Il est évident que l’inégalité de fortune parmi les
hommes est l’effet de l’immuable constitution de la nature humaine, et que,
tant qu’elle subsistera, une taxe générale qui serait imposée indistinctement
sur tous les habitants d’un royaume, ne donnerait au souverain qu’un faible
revenu et priverait le plus grand nombre de ses sujets de leur subsistance. La
théorie de la capitation romaine a pu être fondée sur ce calcul
d’égalité ; mais dans la pratique, cette égalité injuste disparaissait
parce que l’imposition était levée comme réelle et non pas comme personnelle.
Plusieurs pauvres citoyens réunis ne formaient qu’une tête ou une part de la
taxe, tandis qu’un riche propriétaire représentait, à raison de sa fortune,
plusieurs de ces têtes imaginaires. Dans une requête poétique adressée à l’un
des derniers et des plus vertueux empereurs romains qui aient régné sur les
Gaules, Sidonius Apollinaris personnifie sa part du tribut, sous la figure d’un
triple monstre, le Géryon de la fable, et il supplie le nouvel Hercule de lui
sauver la vie en lui abattant trois de ces têtes [1959] . La fortune de
Sidonius était sans doute fort au-dessus de celle d’un poète ordinaire ;
mais s’il avait voulu suivre l’allégorie, il aurait pu peindre un grand nombre
des nobles de la Gaulle sous la forme de l’hydre à cent têtes, qui s’étendait
sur toute une province, et dévorait la substance de cent familles.
    On ne peut raisonnablement croire que la somme de neuf
livres sterling ait été la mesure moyenne et proportionnelle de la capitation
des Gaules, et l’on en sentira mieux l’impossibilité, si on examine le rapport
de ce même pays aujourd’hui riche, industrieux et affectionné à un monarque
absolu. Ni la crainte ni la flatterie ne peuvent enfler les taxes de la France
au-dessus de dix-huit millions sterling, qui doivent être répartis peut-être
entre vingt-quatre millions d’habitants [1960] : sept millions d’entre eux, soit pères, frères ou maris, acquittent le tribut
du reste, composé de femmes et d’enfants ; et cependant la contribution de
chacun de ces sept millions d’individus n’excèdera guère cinquante schellings
d’Angleterre, ou environ cinquante-six livres tournois, et cette somme est
presque quatre fois au-dessous de celle que payait annuellement un Gaulois.
Cette différence vient beaucoup plus du changement qu’a éprouvé la civilisation
de la France, que de la rareté ou de l’abondance relative des espèces d’or et
d’argent. Dans un pays où a liberté est l’apanage de tous les sujets, la masse
totale des impôts sur la

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