Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
plus
longue dissimulation, nous voyons le héros qui avait été longtemps l’idole de
ses sujets et la terreur de ses ennemis, se changent en un monarque cruel et en
un despote sans frein [1976] .
La paix générale qu’il maintint pendant les quatorze dernières années de son
règne fut plutôt une période de fausse grandeur qu’un temps de véritable
prospérité ; et sa vieillesse fût avilie par l’avarice et par la prodigalité,
vices opposés, et qui cependant marchent quelquefois ensemble. Les trésors
immenses trouvés dans les palais de Maxence et de Licinius furent follement
prodigués ; et les différentes innovations qu’introduisit le conquérant
multiplièrent les dépenses. Les bâtiments, les fêtes, la pompe, de la cour
exigeaient des ressources puissantes et continuelles, et l’oppression du peuple
était l’unique fonds qui pût fournir à la magnificence de l’empereur [1977] . Ses indignes
favoris, enrichis par son aveugle libéralité, usurpaient avec impunité le
privilège de piller et d’insulter les citoyens [1978] . Un relâchement
secret, mais universel, se faisait sentir dans toutes les parties de
l’administration ; et l’empereur lui même, toujours assuré de l’obéissance de
ses sujets, perdait par degrés leur estime. L’affectation de parure, et les
manières qu’il adopta vers la fin de sa vie ne servirent qu’à le dégrader dans
l’opinion ; la magnificence asiatique adoptée par l’orgueil de Dioclétien prit,
dans la personne de Constantin, un air de mollesse et d’afféterie. On le
représente avec de faux cheveux de différentes couleurs, soigneusement arrangés
par les coiffeurs les plus renommés de son temps. Il portait un diadème d’une
forme nouvelle et plus coûteuse ; il se couvrait d’une profusion de perles, de
pierres précieuses, de colliers et de bracelets ; il était revêtu d’une robe de
soie flottante, et artistement brodée en fleurs d’or. Sous cet appareil, qu’on
eût difficilement pardonné à la jeunesse extravagante d’Élagabale, nous
chercherions en vain la sagesse d’un vieux monarque et la simplicité d’un
vétéran romain [1979] .
Son âme corrompue par la fortune, ne s’élevait plus à ce sentiment de grandeur
qui dédaigne le soupçon, et qui ose pardonner. Les maximes de l’odieuse
politique qu’on apprend à l’école des tyrans, peuvent peut-être excuser la mort
de Maximien et de Licinius ; mais le récit impartial des exécutions, ou plutôt
des meurtres qui souillèrent les dernières années de Constantin, donnera au lecteur
judicieux l’idée d’un prince qui sacrifiait sans peine à ses passions ou à ses
intérêts les lois de la justice et les mouvements de la nature.
La fortune qui axait accompagné Constantin dans ses
expéditions guerrières, le suivit dans le sein de sa famille et des jouissances
de sa vie domestique. Ceux de ses prédécesseurs qui avaient eu le règne le plus
long et le plus prospère, Auguste, Trajan et Dioclétien, n’avaient point laissé
de postérité, et la fréquence des révolutions n’avait permis à aucune des
familles impériales de s’étendre et de multiplier à l’ombre du diadème. Mais la
race royale de Flavien, anoblie par Claude le Gothique, se perpétua pendant
plusieurs générations, et Constantin lui-même tirait d’un père empereur son
droit aux honneurs héréditaires qu’il transmit à ses enfants. Il avait été
marié deux fois : Minervina, l’objet obscur mais légitime de son
attachement pendant sa jeunesse [1980] ,
ne lui avait laissé qu’un fils, qui fut nommé Crispus. Il eut de Fausta, fille
de Maximien, trois filles et trois fils, connus sous les noms analogues de
Constantin, Constance et Constans. Les frères sans ambition du grand
Constantin, Julius Constantius, Dalmatius et Annibalianus [1981] , possédèrent
tranquillement tout ce que des particuliers pouvaient posséder de richesses et
d’honneurs : le plus jeune des trois vécut ignoré et mourut sans postérité. Ses
deux aînés épousèrent des filles de riches sénateurs, et multiplièrent les
branches de la famille impériale. Gallus et Julien furent, par la suite, les
plus illustres des enfants de Julius Constantius le Patricien . Les deux
fils de Dalmatius, qui avait été décoré du vain titre de censeur , furent
appelés Dalmatius et Annibalianus. Les deux sœurs de Constantin le Grand,
Anastasia et Eutropia, furent mariées à Optatus et à Népotianus,
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