Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
bords de
l’Euphrate aussitôt après son entrevue, avec ses frères en Pannonie ; et les
légions rentrèrent peu à peu dans leur devoir ; mais Sapor avait profité du
moment d’anarchie, pour former le siége de Nisibis, et s’emparer des plus
importantes places de la Mésopotamie [2032] .
En Arménie, le fameux Tiridate jouissait depuis longtemps de la paix et de la
gloire que méritaient sa valeur et sa fidélité pour les Romains. Sa solide
alliance avec Constantin, lui avait procuré les avantages spirituels aussi bien
que temporels. La conversion de Tiridate ajoutait le nom de saint à celui de
héros, et la foi chrétienne prêchée et établie depuis l’Euphrate, jusqu’aux
rives de la Mer Caspienne, attachait l’Arménie à l’empire par le double lien de
la politique et de la religion ; mais la tranquillité publique était troublée
par un grand nombre de nobles arméniens qui refusaient encore de renoncer à la
pluralité des dieux et des femmes. Cette faction turbulente insultait à la
caducité du monarque, et attendait impatiemment l’heure de sa mort. Il cessa de
vivre après un règne de cinquante-six ans, et la fortune du royaume d’Arménie
fut ensevelie avec Tiridate. Son légitime héritier fut banni ; les prêtres
chrétiens furent immolés on chassés de leurs églises, les barbares tribus
d’Albanie furent invitées à descendre de leurs montagnes ; et deux des plus
puissants gouverneurs, usurpant les marques et le pouvoir de la royauté,
implorèrent l’assistance de Sapor, ouvrirent les portes de leurs villes ; et
reçurent des garnisons persanes. Le parti chrétien, sous la conduite de
l’archevêque d’Artaxata, successeur immédiat de saint Grégoire l’Illuminé, eut
recours à la piété de Constance. Après des désordres qui durèrent trois ans,
Antiochus,, un des officiers de l’empire, exécuta avec succès la commission qui
lui fut confiée de remettre Chosroes, fils de Tiridate, sur le trône de ses
pères, de distribuer des honneurs et des récompenses aux fidèles serviteurs de
la maison des Arsacides, et de publier une amnistie générale, qui fut acceptée
par la plus grande partie des satrapes rebelles. Mais les Romains tirèrent plus
d’honneur que d’avantage de cette révolution : Chosroes, prince d’une petite
taille, d’un corps faible et d’un esprit pusillanime, incapable de supporter
les fatigues de la guerre, et détestant, la société, quitta sa capitale, et se
retira dans un palais qu’il bâtit sur les bords de l’Eleutherus, au milieu
d’un bocage épais et solitaire, où ses journées oisives s’écoulaient dans
l’exercice de la chasse, soit aux chiens, soit à l’oiseau. Pour s’assurer ce
honteux loisir, il accepta les conditions de paix qu’il plut à Sapor de lui
imposer ; et, consentant à payer un tribut annuel, il lui restitua la riche
province de l’Atropatène, que la valeur de Tiridate et les armes victorieuses
de Galère avaient annexé à la monarchie arménienne [2033] .
Pendant la longue durée du règne de Constance, les provinces
de l’Orient eurent beaucoup à souffrir de la guerre contre les Persans. Les
incursions des troupes légères semaient le ravage et la terreur au-delà du
Tigre et de l’Euphrate, des portes de Ctésiphon à celles d’Antioche. Les Arabes
du désert étaient chargés de ce service actif. Divisés d’intérêts et
d’affections quelques-uns de leurs chefs indépendants tenaient pour le parti de
Sapor, et d’autres avaient engagé à l’empereur leur douteuse fidélité [2034] . Des opérations
militaires plus sérieuses furent conduites avec une égale vigueur, et les
armées persane et romaine se disputèrent le terrain dans neuf journées
sanglantes [2035] ,
où Constance commanda deux fois en personne. Ces actions furent presque
toujours fatales aux Romains ; mais à la bataille de Singara, leur imprudente
sur le point de remporter une victoire complète et décisive. Les troupes qui
occupaient Singara s’étaient retirées à l’approche de Sapor. Ce monarque passa
le Tigre sur trois ponts, et campa prés du village de Hilleh, dans une position
avantageuse. Ses nombreux pionniers l’environnèrent, en un seul jour, d’un
fossé profond et d’un rempart, élevé. Lorsque ses innombrables soldats furent
rangés en bataille, ils couvrirent les bords de la rivière, les hauteurs.
voisines, et toute l’étendue d’une plaine de douze milles qui séparait les
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