Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
leur seraient nécessaires.
Dans les premiers temps où Constantin était plutôt le protecteur que le
prosélyte de l’Église chrétienne, il fit juger les débats religieux de
l’Afrique par le concile d’Arles, dans lequel les évêques d’York, de Trèves, de
Carthage et de Milan, vinrent, comme amis et comme frères, discuter ensemble,
dans leur langue nationale, les intérêts généraux de l’Église latine ou
occidentale [2297] .
Onze ans après, il se tint une assemblée plus nombreuse et plus célèbre à Nicée
en Bithynie, pour éteindre, par une sentence définitive, les subtiles
discussions qui s’étaient élevées en Égypte au sujet de la sainte Trinité.
Trois cent dix-huit évêques se rendirent aux ordres de leur indulgent
souverain, et on fait monter à deux mille quarante-huit le nombre des
ecclésiastiques de tous les rangs, de toutes les sectes et de toutes les
dénominations qui s’y trouvèrent [2298] .
Les ecclésiastiques grecs vinrent en personne, et les légats du pontife romain
se chargèrent d’exprimer l’assentiment du clergé latin. Les séances durèrent
deux mois ; et l’empereur les honora souvent de sa présence. Il laissait ses
gardes à la porte, et s’asseyait (avec la permission du concile) sur un
tabouret bas, au milieu de la salle. Constantin écoutait avec patiente et
parlait avec modestie ; et, tout en dirigeant les débats, il protestait
humblement qu’il n’était que le ministre et non le juge des successeurs des
apôtres établis comme ministres de la religion et de Dieu sur la terre [2299] . Un si profond
respect de la part d’un monarque absolu, pour un petit nombre de sujets faibles
et désarmés, ne peut se comparer qu’à la vénération qu’avaient montrée au sénat
les princes romains qui avaient adopté la politique d’Auguste. Dans l’espace de
cinquante ans, le témoin philosophe des vicissitudes humaines aurait pu
contempler l’empereur Tacite dans le sénat de Rome, et Constantin dans le
concile de Nicée. Les pères du Capitole et ceux de l’Église avaient également
dégénéré des vertus de leurs fondateurs ; mais comme le respect pour les
évêques était plus profondément enraciné dans l’opinion publique, ils
soutinrent leur dignité avec plus de décence, et s’opposèrent quelquefois avec
une mâle vigueur aux volontés de leur souverain. Le laps du temps, et les
progrès de la superstition ont effacé le souvenir des faiblesses, de
l’ignorance et des passions, qui déshonorèrent ces synodes ecclésiastiques ; et
le monde catholique s’est unanimement soumis [2300] aux décrets
infaillibles des conciles généraux [2301] .
Chapitre XXI
Persécutions des hérétiques. Schisme des donatistes. Secte des ariens. Saint
Athanase. Troubles de l’Église sous Constantin et ses fils. Le paganisme
toléré.
LA RECONNAISSANCE du clergé a consacré la mémoire d’un
prince qui a favorisé ses passions et ses intérêts. Les ecclésiastiques durent
à Constantin la sûreté, la richesse, les honneurs et la vengeance. La défense
de l’orthodoxie fut considérée sous son règne comme le devoir le plus important
et le plus sacré du magistrat civil. L’édit de Milan, ou la grande charte de
tolérance, avait assuré à tous les sujets de l’empire romain la liberté ; de se
choisir une religion et de la professer publiquement. Mais ils ne jouirent pas
longtemps de ce privilège inestimable. L’empereur, en recevant la connaissance
de la vérité, se pénétra des maximes de la persécution, et le triomphe du
Christianisme, devint, pour les sectes qui se séparaient de l’Église
catholique, le premier signal de l’oppression : Constantin se persuada
facilement que les hérétiques qui prétendaient discuter ses opinions, et
résister à ses volontés, se rendaient coupables de là plus criminelle comme de
la plus absurde obstination, et qu’un peu de sévérité serait un bienfait si
elle pouvait sauver ces infortunés du danger de la damnation éternelle.
L’empereur commença par exclure tous les ministres ou prédicateurs des
religions hétérodoxes des récompenses et des privilèges qu’il accordait
libéralement au clergé orthodoxe. Mais comme il eût été possible que ces sectes
subsistassent encore sous le poids de la défaveur du prince, la conquête de
l’Orient fut immédiatement suivie d’un édit qui ordonna leur totale destruction [2302] . Après un
préambule plein de reproches et
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