Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
insensiblement le triomphe
des pontifes romains destinés à poser un jour le pied sur le cou des rois.
6° Le pouvoir de l’éloquence naturelle ou acquise s’est fait
sentir dans tous les gouvernements populaires ; l’âme la plus froide se sent
animée, et la plus saine raison est ébranlée par la communication rapide de
l’impulsion générale. Chaque auditeur est agité par ses propres passions et par
celles de la multitude qui l’environne. La peste de la liberté avait réduit au
silence les démagogues d’Athènes et les tribuns de Rome. L’usage de la
prédication qui semble constituer une partie de la religion chrétienne, ne
s’était point introduit dans les temples de l’antiquité, et les oreilles
délicates des monarques n’avaient pas encore été frappées du son choquant de
l’éloquence populaire, quand les chaires de l’empire se trouvèrent occupées par
de pieux orateurs qui jouissaient de plusieurs avantages inconnus à leurs
profanes prédécesseurs [2293] .
Les arguments des tribuns étaient sur-le-champ repoussés par des antagonistes
habiles et déterminés, combattant à armes égales. La cause de la justice et de
la vérité pouvait tirer quelque avantage du conflit des passions ennemies.
L’évêque, ou bien quelque prêtre distingué auquel il déléguait avec précaution
les pouvoirs de prêcher, haranguait sans craindre une réplique ou même une
interruption, une multitude soumise dont l’esprit avait été préparé et subjugué
par les cérémonies révérées de la religion. Telle était la subordination
sévère de l’Église catholique, que toutes les chaires d’Égypte ou d’Italie
pouvaient retentir au même instant du concert des mêmes paroles entonnées par la voie suprême des primats de Rome ou d’Alexandrie [2294] . Le dessein de
cette institution était louable, mais les effets n’en furent pas toujours
salutaires. Les prédicateurs recommandaient la pratique des devoirs de la
société, mais ils exaltaient la perfection de la vertu monastique, aussi
pénible à l’individu qu’inutile au genre humain. Leurs charitables exhortations
tendaient visiblement à donner au clergé le droit de disposer de la fortune
des fidèles au profit des pauvres. Les plus sublimes représentations des lois
et des attributs de la Divinité étaient défigurées par un mélange de subtilités
métaphysiques, de cérémonies puériles et de miracles fabuleux ; et ils
appuyaient avec le zèle le plus ardent, sur le pieux mérite d’obéir aux
ministres de l’Église et de détester tous ses adversaires. Lorsque la
tranquillité publique fut troublée par le schisme et par l’hérésie, ils firent
éclater la trompette de la discorde ou peut-être de la sédition. Ils
embarrassaient la raison de leurs auditeurs d’idées mystiques, enflammaient les
passions par des invectives, et sortaient des temples d’Antioche et
d’Alexandrie également propres à recevoir ou à faire souffrir le martyre. La
corruption du langage et du goût se fait fortement sentir dans les déclamations
véhémentes des évêques latins ; mais les discours éloquents de saint Grégoire
et de saint Chrysostome ont été comparés aux plus sublimes modèles de
l’éloquence attique ou du moins asiatique [2295] .
7° Les représentants de la république chrétienne
s’assemblaient régulièrement tous les ans dans le printemps et dans l’automne,
et ces synodes répandaient l’esprit de la discipline et de la législation
ecclésiastique dans les cent vingt provinces qui composaient le monde romain [2296] . L’archevêque
ou métropolitain était autorisé par les lois à faire comparaître les évêques
suffragants de son diocèse, à examiner leur conduite, à attester leur croyance,
à défendre leurs droits, et à peser le mérite des candidats que le peuple, et
le clergé avaient choisis pour occuper les siéges vacants du collège épiscopal.
Les primats de Rome, d’Alexandrie, d’Antioche, de Carthage, et ensuite de
Constantinople, qui exerçaient une juridiction plus étendue ; assemblaient tous
les évêques dépendants de leur diocèse, mais l’empereur seul avait le droit de
convoquer extraordinairement les conciles généraux. Quand les affaires de
l’Église l’exigeaient, le souverain ajournait les évêques de toutes les
provinces. On leur payait la dépense de leur voyage, et les postes impériales
recevaient un ordre de leur fournir les chevaux qui
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