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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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devoir, à son inclination, il rendait solennellement
au sénat et au peuple leurs anciens droits. Son seul désir était de se mêler
dans la foule de ses concitoyens, et de partager avec eux, le bonheur qu’il
avait obtenu à sa patrie [231] .
    Si Tacite avait été présent à cette séance, il n’eût
appartenu qu’à ce grand écrivain d’exprimer l’agitation du sénat. Sa plume
seule aurait pu décrire les sentiments cachés des uns et le zèle affecté des
autres. Il était dangereux d’ajouter foi aux paroles d’Auguste ; paraître
douter de sa sincérité aurait pu devenir encore plus funeste. Les avantages
respectifs de la monarchie et du gouvernement républicain ont souvent été
balancés par des  écrivains spéculatifs. En cette circonstance, la grandeur de
Rome, la corruption des mœurs, la licence des soldats, ajoutaient beaucoup de
force aux raisons qui pouvaient faite pencher au côté de la monarchie; à ces
principes généraux de gouvernement se trouvaient mêlées les espérances et les
craintes de chaque particulier. Au milieu de cette incertitude, la réponse des
sénateurs fut unanime et décisive : ils refusèrent d’accepter la résignation
d’Auguste ; ils le conjurèrent de ne pas abandonner la république qu’il avait
sauvée. Après une feinte résistance, l’habile tyran se soumit aux ordres du
sénat. Il consentit à recevoir le gouvernement des provinces, et le
commandement général des armées romaines, sous les titres si connus de
proconsul et d’empereur [232]  ;
mais il déclara qu’il n’acceptait ce pouvoir que pour dix ans. Il se flattait,
disait-il, qu’avant expiration de ce terme, les blessures faites, à l’État par
les discordes civiles seraient entièrement fermées et que la république, rendue
à son ancienne splendeur, n’aurait plus besoin de la dangereuse interposition
d’un magistrat si extraordinaire. Cette comédie fut jouée plusieurs fois
pendant la vie d’Auguste, et l’on en conserva la mémoire jusqu’aux derniers
âges de l’empire : les monarques perpétuels de Rome célébrèrent toujours, avec
une pompe solennelle, la dixième année de leur règne [233] .
    Le général des armées romaines pouvait, sans enfreindre en aucune
manière les principes de la constitution, recevoir et exercer une autorité
presque despotique sur les soldats, sur les ennemis et sur les sujets de la
république : quant aux soldats, dès les premiers temps de Rome, le jaloux
sentiment de la liberté avait fait place parmi eux à l’espoir des conquêtes, et
à une juste idée de la discipline militaire. Le dictateur ou le consul pouvait
exiger de tout jeune Romain qu’il portât les armes. Ceux qui, par lâcheté ou
par opiniâtreté, refusaient d’obéir, s’exposaient aux châtiments les plus
sévères et les plus ignominieux. Le coupable était retranché de la liste des
citoyens, ses biens confisqués, sa personne vendue pour l’esclavage [234] . Les droits les
plus sacrés de la liberté, confirmés par la loi Porcia et la loi Sempronia,
étaient absolument suspendus par l’engagement militaire. Le général avait droit
de vie et de mort dans son camp : son autorité n’était soumise à aucune
forme légale ; il jugeait en dernier ressort ; et l’exécution suivait
de près la sentence [235] .
L’autorité législative désignait l’ennemi que la république avait à combattre.
Dans les occasions les plus importantes, le sénat décidait de la guerre et de
la paix, et ses résolutions devaient être solennellement ratifiées par le
peuple ; mais dans les régions situées à une grande distance de l’Italie,
les généraux n’attendaient pas d’ordre supérieur pour déclarer la guerre à une
nation ; ils agissaient de la manière qui leur paraissait la plus
avantageuse au bien public.
    Ce n’était point sur la justice de leurs entreprises qu’ils
s’appuyaient pour demander l’honneur du triomphe ; le succès était leur seul
titre. Ils usaient de la victoire en despotes, et ils exerçaient une autorité
sans bornes, principalement lorsqu’ils n’étaient plus retenus par la présence
des commissaires du sénat. Pompée, dans son gouvernement de l’Asie, récompensa
les légions et les alliés de l’État, détrôna des princes, démembra des
royaumes, fonda des colonies, et distribua les trésors de Mithridate : à
son retour à Rome, il obtint, par un seul acte du sénat et du peuple la
ratification générale de

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