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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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défense était confiée à une
troupe de mercenaires. Les descendants de ces chefs invincibles qui avaient
combattu pour leur patrie, se contentaient du rang de citoyens et de
sujets ; les plus ambitieux se rendaient la cour des empereurs, et les
provinces, abandonnées, sans force et sans union, tombèrent enfin dans la
froide langueur de la vie domestique.
    L’amour des lettres est presque inséparable de la paix et de
l’opulence : elles furent cultivées sous le règne d’Adrien et des deux
Antonins, princes instruits eux-mêmes et jaloux de le devenir davantage. Ce
goût se répandit dans toute l’étendue de l’empire : la rhétorique était
connue dans le nord de la Bretagne : les rives du Rhin et du Danube
retentissaient des chants, d’Homère, de Virgile et les plus faibles lueurs du
mérite littéraire étaient magnifiquement [222] récompensées [223]  :
la médecine et l’astronomie étaient cultivées par les Grecs avec succès ;
les observations de Ptolémée et les ouvrages de Galien sont encore étudiés
aujourd’hui par ceux même qui ont perfectionné leurs systèmes et corrigé leurs
erreurs ; mais si nous en exceptons l’inimitable Lucien, ce siècle indolent ne
produisit aucun écrivain de génie, aucun même qui ait excellé dans le genre des
productions simplement agréables [224] .
L’autorité de Platon et d’Aristote, de Zénon et d’Épicure, était constamment
suivie dans les écoles : leurs systèmes transmis d’âge en âge par leurs
disciples avec une déférence aveugle, étouffaient les efforts du génie, qui
auraient pu corriger les erreurs ou reculer les bornes de l’esprit
humain : les beautés des poètes et des orateurs n’inspirèrent que des
imitations froides et serviles, au lieu d’allumer dans l’âme du lecteur ce feu
sacré dont ces hommes divins étaient embrasés ; et ceux qui osaient
s’écarter de ces excellents modèles, perdaient bientôt de vue la route de la
raison et du bon sens.
    A la renaissance des lettres, le génie de l’Europe parut
tout à coup : une imagination active et pleine de force, l’émulation nationale,
une religion nouvelle, de nouvelles langues, un nouvel univers, tout l’invitait
à sortir de l’engourdissement où il était enseveli ; mais dans l’empire de
Rome, les habitants des provinces, subordonnés au système uniforme d’une
éducation étrangère, ne pouvaient entrer en lice avec ces fiers anciens, qui,
jouissant de l’avantage d’exprimer dans leur langue naturelle la hardiesse de
leurs pensées, s’étaient emparés des premiers rangs. Le nom de poète était
presque oublié ; les sophistes avaient usurpé celui d’orateur ; une
nuée de critiques, de compilateurs et de commentateurs, obscurcissait le champ
des sciences, et la corruption du goût suivit de près la décadence du génie.
    Un peu plus tard, on vit paraître à la cour d’une reine de
Syrie un homme qui, élevé en quelque sorte au-dessus de son siècle, fit revivre
l’esprit de l’ancienne Athènes. Le sublime Longin observe et déplore cette
dépravation, qui avilissait ses contemporains, énervait leur courage et
étouffait les talents : Comme on voit , dit-il, les enfants dont
les membres ont été trop comprimés, demeurer toujours des pygmées, ainsi,
lorsque nos âmes ont été enchaînées par le préjugé et par la servitude, elles
sont incapables de s’élever. Jamais elles ne connaîtront cette véritable
grandeur si admirée, dans les anciens, qui, vivant sous un gouvernement
républicain, écrivaient avec la même liberté qui dirigeait leurs actions [225] . Pour suivre
cette métaphore, disons que le genre humain éprouva de jour en jour une
dégradation sensible ; et réellement l’empire romain n’était peuplé que de
pygmées, lorsque les fiers géants du Nord accoururent sur la scène, et firent
disparaître cette race abâtardie. Ils firent renaître les mâles sentiments de
la liberté ; et après une révolution de dix siècles, la liberté enfanta le goût
et la science.

Chapitre III
De la constitution de l’empire romain dans le siècle des Antonins.
    UNE monarchie, selon la définition la plus générale, est un
État dans lequel une seule personne, quelque nom qu’on lui donne, est chargée
de l’exécution des lois, de la direction des revenus, et du commandement des
armées ; mais, à moins que des protecteurs vigilants, et intrépides ne
veillent à la liberté publique, l’autorité

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