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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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le peuple, dans l’élection de ces
magistrats, offrit le spectacle de tous les inconvénients qui accompagnent la
plus turbulente démocratie. Loin de laisser apercevoir le moindre signe
d’impatience, ce prince adroit sollicitait humblement pour lui, ou pour ses
amis, les suffrages du peuple, et il remplissait avec la dernière exactitude
tous les devoirs d’un candidat ordinaire [246] .
Mais, selon toutes les apparences, son successeur n’agit que par ses conseils,
lorsque, pour première mesure de son règne, il transporta le droit d’élection
au sénat de Rome [247] .
Les assemblées du peuple furent abolies pour jamais ; et les souverains
n’eurent plus à redouter les caprices d’une multitude dangereuse, qui, sans
rétablir la liberté, aurait pu troubler la nouvelle administration, et
peut-être y porter des atteintes, mortelles.
    Marius et César, en se déclarant les protecteurs du peuple,
avaient renversé la constitution de leur patrie : mais dès que le sénat
eut été humilié, et qu’il eut perdu toute sa force, cette assemblée, composée
de cinq ou six cents personnes, devint entre les mains du despotisme un
instrument utile et flexible. Ce fut principalement sur la dignité du sénat
qu’Auguste et ses successeurs fondèrent leur nouvel empire ; ils
affectèrent, en toute occasion, d’adopter le langage et les principes des
patriciens. Dans l’exercice de leur puissance, ils consultaient le souverain
conseil de la nation, et ils paraissaient se conformer à ses décisions pour les
grands intérêts de la paix et de la guerre. Rome, l’Italie et les provinces
intérieures, étaient sous le gouvernement direct du sénat. Ce tribunal décidait
en dernier ressort de toutes les affaires civiles : quant au criminel, il
connaissait des prévarications commises par les hommes en place, et des délits
qui intéressaient la tranquillité ou la majesté du peuple romain. L’exercice du
pouvoir judiciaire devint la plus habituelle et la plus sérieuse des
occupations du sénat. Les causes importantes ouvraient une carrière brillante
aux grands orateurs : c’était le dernier asile où venait se réfugier
l’ancien génie de l’éloquence. Comme conseil de la nation et comme cour de
justice, le sénat jouissait de prérogatives très considérables ; tandis
qu’en sa qualité de corps législatif, il était supposé représenter le peuple,
et, paraissait avoir conservé les droits de la souveraineté. Les lois
recevaient leur sanction de ses décrets : toute puissance était dérivée de
son autorité. Il s’assemblait régulièrement trois fois par mois, aux calendes,
aux nones et aux ides. On discutait les affaires avec une honnête
liberté ; et les empereurs, qui se glorifiaient du titre de sénateur,
prenaient séance, donnaient leur voix, et se confondaient avec leurs égaux.
    Résumons en peu de mots le système du gouvernement impérial
institue par Auguste et maintenu par ceux de ses successeurs qui connurent
leurs véritables intérêts et ceux du peuple : c’était une monarchie
absolue,  revêtue de toute la forme d’une république. Les souverains de ce
vaste État plaçaient leur trône au milieu des nuages. Soigneux de dérober, aux
yeux de leurs sujets leur force irrésistible, ils faisaient profession d’être
les ministres du sénat, et obéissaient aux décrets suprêmes qu’ils avaient
eux-mêmes dictés [248] .
    L’aspect de la cour répondait aux formes de
l’administration. Si nous en exceptons ces tyrans qui, emportés par leurs
folles passions, foulaient aux pieds toutes les lois de la nature, et de la décence,
les empereurs dédaignèrent une pompe dont l’éclat aurait pu offenser leurs
concitoyens, sans rien ajouter à leur puissance réelle. Dans tous les détails
de la vie, ils semblaient oublier la supériorité de leur rang : souvent
ils visitaient leurs sujets, et les invitaient à venir partager leurs
plaisirs ; leurs habits, leur table, leur palais, n’avaient rien qui les
distinguât d’un sénateur opulent : leur maison, quoique nombreuse et brillante,
n’était composée que d’esclaves et d’affranchis [249] , Auguste ou
Trajan aurait rougi d’abaisser le dernier des citoyens à ces emplois
domestiques que les nobles les plus fiers de la Grande-Bretagne sont
aujourd’hui si ambitieux d’obtenir dans la maison et dans le service personnel
du chef d’une monarchie limitée.
    Si les empereurs peuvent être accusés d’avoir

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