Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
Vom Netzwerk:
rendaient pour y attendre l’arrivée des sujets de Rome. Le
retour de la flotte d’Égypte était fixé au mois de décembre ou de janvier :
aussitôt ses riches cargaisons, transportées sur des chameaux depuis la mer
Rouge jusqu’au Nil, descendaient ce fleuve et abordaient au port
d’Alexandrie ; de là elles affluaient dans la capitale de l’empire [214] . Les objets du
commerce de l’Orient étaient brillants ; mais au fond de peu d’utilité :
ils consistaient en soies, qui se vendaient au poids de l’or [215] , en pierres
précieuses, parmi lesquelles la perle tenait le premier rang après le diamant [216] , et en
différentes espèces d’aromates que l’on brûlait dans les temples et dans les
pompes funèbres. Un profit presque incroyable dédommageait des peines et des
fatigues du voyage ; mais c’était sur des sujets romains que se faisait ce
gain exorbitant, et un très petit nombre de particuliers s’enrichissaient aux
dépens du public. Comme les Arabes et les Indiens se contentaient des
marchandises, et des productions de leur pays, l’argent était, du côté des
Romains, sinon le seul, du moins le principal objet d’échange [217] . La gravité du
sénat pouvait être blessée de ce que les richesses de l’État, employées à la
parure des femmes, passaient sans retour entre les mains des nations étrangères
et ennemies [218] .
Un écrivain connu par un esprit de recherché, mais naturellement porté à la
censure, fait monter la perte annuelle à plus de huit cent mille livres
sterling [219] ; mais c’était le cri d’un esprit inquiet, qui, livré à la mélancolie, croyait
sans cesse voir approcher la pauvreté ; et si nous comparons la proportion qui
existait entre l’or et l’argent, du temps de Pline et sous le règne de
Constantin, nous trouverons à cette dernière époque le numéraire
considérablement augmenté [220] .
Rien ne nous porte à croire que l’or fût devenu plus rare ; il est donc
évident que l’argent était plus commun. Ainsi, quelles qu’aient été les sommes
exportées dans l’Arabie et dans l’Inde, elles furent bien loin d’épuiser les
richesses de l’empire, et les mines fournirent toujours au commerce des
ressources immenses.
    Malgré le penchant qu’ont tous les hommes a vanter le passé
et à se plaindre du présent, les Romains et les habitants des provinces
sentaient vivement et reconnaissaient de bonne foi l’état heureux et tranquille
dont ils jouissaient. Ils conviennent tous que les vrais principes de la loi
sociale, les lois, l’agriculture, les sciences, enseignées d’abord dans la
Grèce par les sages Athéniens, ont pénétré dans toute la terre avec la
puissance de Rome, dont l’heureuse influence sait, enchaîner, par les liens
d’une langue commune et d’un même gouvernement, les Barbares les plus féroces.
Ils affirment que le genre humain, éclairé par les arts, leur est redevable de
son bonheur et d’un accroissement visible : ils célèbrent la beauté majestueuse
des villes et l’aspect riant de la campagne, ornée et cultivée comme un jardin
immense : ils chantent ces jours de fêtes, où tant de nations oublient leurs
anciennes animosités au milieu des douceurs de la paix, et ne sont plus
exposées à aucun danger [221] .
Quelque doute que puisse faire naître le ton de rhéteur et l’air de déclamation
que l’on aperçoit dans ce passage, ces descriptions sont entièrement conformes,
à la vérité historique.
    Il était presque impossible que l’œil des contemporains
découvrît dans la félicité publique des semences cachées de décadence et de
destruction. Une longue paix, un gouvernement uniforme, introduisirent un
poison lent et secret dans toutes les parties de l’empire : toutes les
âmes se trouvèrent insensiblement réduites à un même niveau ; le feu du
génie disparut ; l’on vit même s’évanouir l’esprit militaire. Les
Européens étaient braves et robustes. Les provinces de la Gaule. de l’Espagne,
de la Bretagne et de l’Illyrie, donnaient aux légions d’excellents soldats, et
constituaient la force réelle de la monarchie. Les habitants de ces provinces
conservent toujours leur valeur personnelle ; mais ils cessèrent d’être animés
de ce courage public qu’inspirent l’honneur national, l’amour de la liberté, la
vue des dangers et l’habitude du commandement. Leurs lois et leurs gouverneurs
dépendaient de la volonté du souverain, et leur

Weitere Kostenlose Bücher