Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
s’étrangler de leurs propres mains, ont ainsi diminué les
amusements du public. Cependant ces mêmes habitants de home, remplis d’humanité
et de philosophie, n’apprenaient qu’avec horreur que les Saxons sacrifiaient à
leurs dieux la dixième partie de leurs prisonniers, et qu’ils tiraient au sort
les victimes duce barbare sacrifice [2950] .
II . La lumière des sciences et de la philosophie a
fait oublier peu à peu les colonies fabuleuses des Égyptiens et des Troyens,
des Scandinaves et des Espagnols, qui flattaient la vanité de nos ancêtres et
plaisaient à leur crédulité [2951] .
Notre siècle se contente de cette idée simple et raisonnable que les îles de la
Grande-Bretagne et de l’Irlande ont été, successivement peuplées par les
habitants de la Gaule. Depuis les côtes de Kent jusqu’à l’extrémité du
Caithness et de l’Ulster, on aperçoit distinctement les traces de l’origine
celtique dans le langage, dans les mœurs et dans la religion des habitants. Le
caractère particulier de quelques tribus de Bretons peut s’attribuer naturellement
à l’influence des causes locales et accidentelles [2952] . Les romains
réduisirent leur province à un état de servitude policée et paisible. La
Calédonie conserva seule les droits de sa liberté sauvage. Dès le règne de
Constantin, les deux grandes tribus des Pictes et des Écossais partagèrent
entre elles cette contrée septentrionale [2953] .
Leur destinée a été très différente. Les victorieux Écossais ont anéanti par
leurs succès la puissance, et presque jusqu’à la mémoire de leurs rivaux ; et,
après avoir maintenu durant plusieurs siècles la dignité d’un royaume
indépendant, ils ont étendu, par une union légale et volontaire, l’honorable
dénomination d’Anglais. La main de la nature avait contribué à distinguer les
Pictes des Écossais. Les premiers cultivaient les plaines, et les derniers
habitaient les montagnes. On peut considérer la côte orientale de la Calédonie
comme une vaste plaine unie et fertile, qui, sans de grands travaux, pouvait
produire beaucoup de grains, et l’épithète de cruitnich , ou mangeur de
grains, exprimait le mépris ou l’envie des montagnards carnassiers. La culture
des terres avait pu introduire une séparation plus exacte des propriétés et
l’habitude d’une vie sédentaire ; mais le brigandage et la guerre étaient
toujours la passion dominante des Pictes, et les Romains distinguaient leurs
guerriers, qui combattaient tout nus, par les couleurs saillantes, et parles
figures bizarres dont ils peignaient leurs corps. La partie occidentale de la
Calédonie est hérissée de montagnes escarpées, peu susceptibles de payer le
laboureur de ses peines, et très propres à la pâture des troupeaux. Les
montagnards ne pouvaient avoir d’autres occupations que celles de chasseurs et
de bergers ; et comme ils se fixaient rarement dans une habitation, on leur donna
la dénomination expressive de Scots , qui signifie, dit-on, en langue
celtique, errants ou vagabonds. Habitant une terre stérile, ils étaient forcés
de chercher dans la mer un supplément de nourriture. Les lacs et les baies qui
coupent leur pays, sont très abondants en poisson ; et ils s’enhardirent peu à
peu à jeter leurs filets dans l’Océan. Le voisinage des Hébrides, semées le
long de la côte occidentale de l’Écosse, tenta leur curiosité et augmenta leur
intelligence. Ils acquirent insensiblement l’art ou plutôt l’habitude de
conduire leurs bateaux dans une tempête, et de se diriger durant la nuit par la
position des étoiles. Les deux pointes sourcilleuses de la Calédonie atteignent
presque à la côte d’une île spacieuse dont la brillante végétation mérita le
nom de Green , qui signifie verte, et elle a conservé, avec un léger
changement, celui d’ Erin ou Ierne, ou Ireland. Il est probable qu’à
quelque époque très reculée de l’antiquité, une colonie d’Écossais affamés
descendit dans les plaines fertiles de l’ Ulster , et que ces étrangers,
venus du Nord, qui avaient osé combattre les légions romaines, étendirent leurs
conquêtes dans une île peuplée d’un petit nombre de sauvages pacifiques.
Quoiqu’il en soit, il est certain qu’au temps du déclin de l’empire romain, la
Calédonie, l’Irlande et l’île de Man étaient habitées par des Écossais ; et que
dans les vicissitudes de leurs fortunes diverses, leurs tribus, qui
s’associaient
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