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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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passé les
bornes de la prudence et de la modestie qu’ils avaient eux-mêmes tracées, c’est
lorsqu’ils ont voulu être mis au rang des dieux [250] . Ce culte impie,
et dicté par une basse adulation, fût institué dans l’Asie en l’honneur des
successeurs d’Alexandre [251] .
Des monarques il fut aisément transféré aux gouverneurs de cette contrée :
bientôt les magistrats romains, adorés comme des divinités de la province,
eurent des, temples où brillait la pompe des fêtes et des sacrifices [252] . Il était bien
naturel que les empereurs acceptassent ce que de simples proconsuls n’avaient
pas refusé. Ces honneurs divins, rendus dans les provinces, attestaient plutôt
le despotisme que la servitude de Rome mais les nations vaincues enseignèrent à
leurs maîtres l’art de la flatterie. Le génie impérieux du premier des Césars
l’engagea trop facilement à recevoir pendant sa vie une place parmi les
divinités tutélaires de la république. Le caractère modéré de son successeur
lui fit rejeter ce dangereux hommage ; et même par la suite tous les
princes, excepté Caligula et Domitien, renoncèrent à cette folle ambition.
Auguste, il est vrai permit à quelques villes de province de lui élever des
temples ; mais il exigea que l’on célébrât le culte de Rome avec  celui du
souverain. Il tolérait une superstition particulière dont il était l’objet [253] , tandis que,
satisfait des hommages du sénat et du peuple, il laissait sagement à son
successeur le soin de sa déification. De là s’introduisit, à la mort des empereurs,
la coutume constante de les placer au nombre des  dieux. Le sénat accordait,
par un décret solennel, cet honneur à tous ceux de ses princes dont la conduite
et la mort n’avaient point été celles des tyrans ; et les cérémonies de
l’apothéose [254] accompagnaient la pompe des funérailles. Cette profanation légale, mais si
contraire à la nature, si opposée à nos principes, n’excita qu’un faible
murmure [255] dans un siècle où le polythéisme avait tant multiplié les objets sacrés. Elle
fut d’ailleurs reçu plutôt comme institution politique que comme institution
religieuse. Ce serait dégrader les Antonins que de mettre leurs vertus en
parallèle les vices de Jupiter ou d’Hercule : le caractère même de César ou
d’Auguste était bien supérieur à celui, des divinités populaires. Ces princes
d’ailleurs vivaient dans un siècle trop éclairé, et leurs actions avaient trop
d’éclat pour que l’histoire de leur vie fût mêlée de ces fables et de ces
mystères qu’exige la dévotion du peuple : à peine leur divinité eut-elle
été établie par les lois qu’elle tomba dans l’oubli, sans contribuer à leur
réputation, ou à la dignité de leurs successeurs.
    Lorsque nous avons examiné toutes les parties qui
composaient l’édifice de la puissance impériale, nous avons souvent désigné
sous le nom bien connu d’Auguste celui qui en avait jeté, les fondements avec
tant d’art : cependant il ne reçut ce nom qu’après avoir mis la dernière
main à son ouvrage. Né d’une famille obscure [256] ,
dans la petite ville d’Aricie, il s’appelait Octave nom souillé par tout le
sang versé dans les proscriptions. Lorsqu’il eut asservi la république, il
désira pouvoir effacer le souvenir de ses premières actions. Comme fils adoptif
du dictateur, il avait pris le surnom glorieux de César ; mais il avait
trop de jugement pour espérer d’être jamais confondu avec ce grand homme, pour
désirer même de lui être comparé. On proposa dans le sénat de donner un nouveau
titre au chef de l’État. Après une discussion sérieuse, celui d’Auguste fut
choisi parmi plusieurs autres, et parut rendre d’une manière convenable le
caractère de paix et de piété qu’il affectait constamment [257] . Ainsi le nom
d’Auguste était une distinction personnelle ; celui de César indiquait la
famille illustre qui s’était frayé un chemin au trône. Il semblait que le
premier dut expirer avec le prince qui l’avait reçu ; l’autre pouvait se
transmettre par adoption, et passer avec les femmes dans une nouvelle branche.
Néron aurait donc été le dernier prince qui eût eu le droit de réclamer une si
noble extraction : cependant, à sa mort, ces titres se trouvaient déjà
liés, par une pratique constante, avec la dignité impériale ; et depuis la
chute de la république jusqu’à nos jours,

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