Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
censure et pleine de reproches amers, tels que
l’empereur aurait pu les mériter s’il eût reçu la circoncision et renoncé au
baptême. Saint Ambroise y considère la tolérance du judaïsme comme une
persécution contre la religion chrétienne ; il déclare hardiment que, comme
fidèle croyant, il envie à l’évêque de Callinicum le mérite de l’action et la
palme du martyre, et il déplore, en termes pathétiques, le tort que cette
sentence doit faire à la gloire et au salut de Théodose. Cet avertissement
particulier n’ayant pas produit l’effet qu’il en attendait, l’archevêque
s’adressa, du haut de sa chaire [3229] ,
à l’empereur sur son trône [3230] ,
et refusa obstinément de faire l’oblation de l’autel jusqu’au moment où
Théodose assura, par une promesse solennelle, l’impunité de l’évêque et des
moines de Callinicum. La rétractation [3231] de Théodose, fut sincère, et, durant sa résidence à Milan, son commerce
familier, ses pieux entretiens avec l’archevêque, augmentèrent tous les jours
l’attachement qu’il lui portait.
Lorsque saint Ambroise apprit le massacre de pénitence
Thessalonique, son âme se remplit d’horreur et d’effroi. Il se retira à la
campagne pour s’y livrer à sa douleur et éviter la présence de Théodose ; mais,
songeant qu’un silence timide le rendrait comme complice du crime ; il écrivit
une lettre particulière à l’empereur, dans laquelle il lui en peignait l’énormité,
en l’avertissant qu’il ne pourrait l’effacer que par les larmes de la
pénitence. Saint Ambroise, joignant la prudence à la fermeté épiscopale, au
lieu d’excommunier directement l’empereur [3232] ,
se contenta de lui mander qu’il avait été averti, dans une vision, de ne plus
présenter l’oblation de l’Église au nom et même en présence de Théodose ; il
lui conseillait de s’en tenir aux exercices de la prière, et de ne point penser
à s’approcher des autels pour recevoir la sainte eucharistie avec des mains impures,
encore teintes du sang d’un peuple innocent. L’empereur, profondément affecté
des reproches de l’archevêque et déchiré de ses propres remords, après avoir
pleuré quelque temps les suites funestes de son aveugle fureur, se disposa,
comme de coutume, à faire ses dévotions dans la cathédrale de Milan.
L’intrépide archevêque arrêta son souverain sous le portique, et, prenant le
ton et le langage d’un envoyé du ciel, il lui déclara qu’un repentir secret ne
suffisait pas pour expier un crime public et apaiser la justice d’un Dieu
irrité. Théodose lui représentât avec humilité que s’il s’était rendu coupable
d’homicide, David, l’homme selon le cœur de Dieu, avait non seulement commis le
meurtre, mais encore l’adultère. Vous avez imité David dans son crime , lui
répondit le courageux archevêque, imitez-le dans son repentir . Théodose
accepta respectueusement les conditions qui lui furent imposées ; et sa
pénitence publique est regardée comme un des événements les plus honorables
pour l’Église. Selon les règles les plus modérées de la discipline
ecclésiastique établie dans le quatrième siècle, le crime d’homicide exigeait
une pénitence de vingt ans [3233] ; et, comme le cours de la plus longue vie humaine ne suffisait pas pour expier
la multiplicité des meurtres commis à Thessalonique, l’assassin devait être
exclu durant toute sa vie de la sainte communion ; mais l’archevêque, suivant
les maximes de la politique religieuse, accorda, un peu d’indulgence à un
pénitent illustre qui humiliait à ses pieds l’orgueil du diadème, et
l’édification publique qui résultait d’un tel abaissement était un motif
puissant pour abréger la durée de la pénitence. Il suffisait que l’empereur des
Romains, dépouillé de toutes les marques de la royauté, se présentât dans
l’attitude affligée d’un suppliant, et qu’au milieu de la cathédrale de Milan,
ses humbles prières, accompagnées de soupirs et de larmes, sollicitassent la
rémission de ses péchés [3234] .
Saint Ambroise employa sagement, dans cette cure spirituelle, un mélange de
douceur et de sévérité. Après un délai d’environ huit mois, Théodose fut admis
à la communion des fidèles ; et l’édit qui ordonne de différer de trente jours
l’exécution des sentences doit être regardé comme le fruit salutaire de son
repentir [3235] .
La postérité a applaudi à la
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