Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
cuirasses. Les
armes pesantes de leurs ancêtres, la courte épée et le formidable pilum qui avait subjugué l’univers. Echappèrent insensiblement de leurs mains
impuissantes ; et comme l’usage de l’arc est incompatible avec celui du
bouclier, ils s’exposaient avec répugnance dans la plaine à être criblés de
blessures ou à les éviter par la fuite, et ils étaient toujours disposés à
préférer l’alternative là plus ignominieuse. Les Huns, les Goths ; et les
Alains sentirent l’avantage, pour leur cavalerie, d’une armure défensive, et en
adoptèrent l’usage. Comme leurs soldats excellaient dans l’art de lancer les
javelots, ils mettaient aisément en déroute des soldats tremblants et presque
nus, dont la tête et la poitrine étaient exposées sans défense aux traits des
Barbares. La perte des armées, la destruction des villes et le déshonneur du
nom romain, sollicitèrent inutilement les successeurs de Gratien de rendre le
casque et la cuirasse à l’infanterie. Les soldats énervés négligèrent leur
propre défense et celle de la patrie, et leur indolence pusillanime peut-être
considérée comme la cause immédiate de la destruction de l’empire [3261] .
Chapitre XXVIII
Destruction totale du paganisme. Introduction du culte des saints et des
reliques parmi les chrétiens.
LA ruine du paganisme dans le siècle de Théodose est
peut-être l’exemple unique de l’extinction totale d’une superstition ancienne
et généralement adoptée, et on peut la considérer comme un événement
remarquable dans l’histoire de l’esprit humain. Les chrétiens, et
principalement le clergé, avaient souffert avec impatience les sages délais de
Constantin, et la tolérance universelle du premier des Valentiniens. Ils
regardaient leur victoire comme imparfaite et peu sûre, tarit qu’on laisserait
subsister leurs adversaires. Saint Ambroise et ses confrères employèrent leur
influence sur la jeunesse de Gratien et sur la piété de Théodose, à inspirer
des maximes de persécution à leurs augustes prosélytes. On établit deux
principes spécieux de jurisprudence religieuse, d’où les prélats tirèrent une
conclusion sévère et rigoureuse contre tous les sujets de l’empire qui persévéraient
encore dans les cérémonies du culte de leurs ancêtres : 1° que les magistrats
sont en quelque façon coupables des crimes qu’ils négligent de prévenir ou de
punir ; 2° que l’idolâtrie des divinités fabuleuses et des démons est le crime
le plus offensant pour la majesté du Créateur. Le clergé s’autorisait des lois
de Moïse et de l’histoire des Juifs [3262] ,
et les appliquait d’une manière irréfléchie et peut-être erronée au règne
plein, de douceur, et à l’empire du christianisme [3263] . Il excita, le
zèle des empereurs à soutenir leur propre honneur en même temps que celui de la
Divinité, et tous les temples du monde romain furent détruits soixante ans
après la conversion de Constantin.
Depuis le règne de Numa jusqu’à celui de Gratien, la
succession régulière des différents collèges de l’ordre sacerdotal n’avait
éprouvé aucune interruption [3264] .
Quinze pontifes exerçaient leur juridiction suprême sur toutes les personnes et
toutes les choses consacrées au servie des dieux ; et leur tribunal sacré
décidait toutes les questions auxquelles devait donner lieu perpétuellement ce
vague d’opinions religieuses transmises seulement par la tradition. Quinze
graves et savants augures examinaient le cours des astres, et dirigeaient par
le vol des oiseaux la marche des héros de Rome. Quinze conservateurs des livres
sibyllins (nommés d’après leur nombre quindécemvirs ), y cherchaient
l’histoire de l’avenir, et les consultaient, à ce qu’il paraît, sur tous les
événements dont la décision dépendait du hasard. Six vestales dévouaient
leur virginité à la garde du feu sacré et des gages inconnus de la durée de
Rome, qu’il n’était pas permis à un mortel de contempler [3265] . Sept épules préparaient la table des dieux, conduisaient la procession et réglaient les
cérémonies de la fête annuelle. On regardait les trois flamens de
Jupiter, de Mars et de Quirinus, comme les ministres particuliers des trois
plus puissantes divinités d’entre celles qui veillaient sur le destin de Rome
et de l’univers. Le roi des sacrifices représentait la personne de Numa et de
ses successeurs dans les fonctions religieuses quine
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