Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
Vom Netzwerk:
de
détruire l’ornement de ses villes, et de diminuer la valeur de ses propriétés.
On pouvait laisser subsister ces superbes monuments, comme autant de trophées
de la victoire du christianisme. Dans le déclin des arts on les aurait
convertis utilement en magasins, en manufactures ou en places d’assemblées
publiques. Peut-être lorsque les murs des temples se seraient trouvés
suffisamment purifiés par des cérémonies pieuses, le culte du vrai Dieu aurait
daigné effacer le souvenir de l’idolâtrie ; mais tant qu’ils subsistaient, les
païens se flattaient secrètement que quelque heureuse révolution, qu’un second
Julien rétablirait peut-être les autels de leurs dieux ; et les pressantes
sollicitations dont ils importunaient le souverain [3289] , animaient le
zèle des réformateurs chrétiens à extirper sans miséricorde les racines de la
superstition : Il paraît, par quelques édits des empereurs, qu’ils adoptèrent
des sentiments moins violents [3290] ; mais ce fut avec une froideur et une indifférence qui les rendirent inutiles,
et n’opposèrent qu’une barrière, impuissante contre ce torrent d’enthousiasme
et d’avidité dont les chefs spirituels de l’Église, dirigeaient ou plutôt
excitaient la furie. Saint Martin, évêque de Tours [3291] , parcourait la
Gaule à la tête de ses moines, et détruisait les idoles, les temples et les
arbres consacrés, dans toute l’étendue de son vaste diocèse. En Syrie,
l’excellent, le divin évêque Marcellus [3292] ,
ainsi que l’appelle Théodoret, animé d’un zèle apostolique, résolut de raser
tous les temples du diocèse d’Apamée. La solidité de celui de Jupiter, et l’art
avec lequel il était construit, résistèrent d’abord aux attaques de Marcellus.
Ce temple, situé sur une éminence, avait quatre façades, soutenues chacune par
quinze colonnes massives, de seize pieds de circonférence, et toutes les
pierres qui les composaient étaient fortement agrafées ensemble avec du fer et
du plomb. Inutilement essaya-t-on contre cette construction les outils les plus
forts et les plus tranchants ; il fallut miner les fondements des colonnes, qui
s’écroulèrent enfin lorsque le feu eut consumé les étançons qui avaient servi à
soutenir le travail de la mine. Les difficultés de cette entreprise sont
décrites sous l’allégorie d’un malin démon, qui, ne pouvant en empêcher le
succès, tâchait du moins de le retarder. Fier de cette victoire Marcellus se mit
lui-même en campagne contre les puissances des ténèbres, suivi d’une bande
nombreuse de soldats et de gladiateurs réunis sous la bannière épiscopale ; il
attaqua successivement les temples répandus dans les villages et dans les
campagnes du diocèse d’Apamée. Dans les occasions où la résistance annonçait du
danger, le champion de la foi, qu’une jambe défectueuse empêchait également de
fuir et de combattre, se plaçait hors de la portée des traits ; mais cette
précaution fut la cause de sa perte : des paysans en fureur le surprirent et le
massacrèrent, et le synode de la province prononça, sans hésiter, que le pieux
Marcellus avait sacrifié sa vie au service de la foi. Les moines se
précipitaient impétueusement et en tumulte hors du désert pour signaler leur
zèle en faveur d’une semblable cause. Ils méritèrent la haine des païens, et
tous ne furent point exempts du reproche d’avarice et d’intempérance. Ces pieux
destructeurs satisfaisaient l’une en pillant les ennemis de leur religion, et
l’autre aux dépens des insensés qui admiraient leurs vêtements en lambeaux,
leurs chants lugubres et leur pâleur artificielle [3293] . Le goût, la
prudence la crainte ou la vénalité de quelques gouverneurs de provinces,
sauvèrent un petit nombre de temples. Celui de la Vénus céleste, à Carthage,
formait une enceinte d’environ deux milles de circonférence ; on eut le bon
esprit d’en faire une église [3294] , 
et une consécration semblable a conservé le dôme majestueux du Panthéon de Rome [3295] . Mais dans
presque toutes les provinces du monde romain, une armée de fanatiques, sans
discipline comme sans autorité, assaillaient les paisibles habitants, et les
ruines des plus beaux monuments de l’antiquité attestent encore les ravages de
ces barbares , qui avaient seuls le loisir et la volonté d’exécuter des
destructions si pénibles.
    Dans cette scène de dévastation générale, le spectateur peut
distinguer

Weitere Kostenlose Bücher