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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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zèle
indomptable qui exaltait les premiers fidèles, leur sang aurait inévitablement
souillé le triomphe de l’Église, et les martyrs de Jupiter et d’Apollon
auraient embrassé avec ardeur l’honorable occasion de sacrifier au pied de
leurs autels leur fortune et leur vie. L’apathie indolente du polythéisme
n’admettait pas un zèle si obstiné ; le défaut de résistance amortit la
violence des coups dont les empereurs orthodoxes frappèrent à plusieurs
reprises le paganisme ; et, par la docilité de leur obéissance, les païens
évitèrent les rigueurs du Code de Théodose [3318] .
Au lieu de prétendre que l’autorité des dieux dût l’emporter sur celle de
l’empereur, ils firent à peine entendre quelques murmures en renonçant aux
cérémonies que le souverain condamnait. Si quelquefois un moment d’impatience
où l’espérance de n’être point découverts les entraînaient à satisfaire leur
superstition favorite, l’humilité du repentir désarmait la sévérité des
magistrats chrétiens ; et les païens refusaient rarement d’expier leur
imprudence par une soumission apparente aux préceptes de l’Évangile. Les
églises se remplissaient d’une multitude de faux prosélytes, qui s’étaient
conformés par des motifs d’intérêt personnel à la religion dominante, et qui,
tandis qu’on les voyait imiter les fidèles dans leur maintien et en apparence
dans leurs prières, obéissaient secrètement à leur conscience, en invoquant
dans le fond de leur cœur les dieux de leurs ancêtres [3319] . Si la patience
manquait aux païens pour souffrir, le courage leur manquait pour résister ; et
les milliers d’idolâtres qui, répandus de tous côtés, déploraient la ruine de
leurs temples, subirent sans effort la loi de leurs adversaires. Le nom et
l’autorité de l’empereur suffirent pour désarmer les paysans de Syrie [3320] et la populace
d’Alexandrie, qui s’étaient opposés tumultueusement à la rage d’un fanatisme
sans autorité. Les païens de l’occident ne contribuèrent point à l’élévation
d’Eugène, mais leur attachement pour cet usurpateur rendit sa cause et sa
personne odieuses. Le clergé fit entendre ses clameurs, et lui reprocha
d’ajouter le crime d’apostasie à celui de la rébellion, d’avoir laissé rétablir
l’autel de la Victoire, et de déployer dans ses années contre l’invincible
étendard de la croix les symboles idolâtres de Jupiter et d’Hercule ; mais la
défaite d’Eugène anéantit bientôt l’espoir des païens, et ils restèrent exposés
à la vengeance d’un conquérant qui tâchait de mériter la faveur du ciel par la
destruction de l’idolâtrie [3321] .
    Une nation esclave est toujours empressée, d’applaudir à la
clémence de son maître, quand dans l’abus du pouvoir absolu il ne pousse pas,
l’injustice et l’oppression jusqu’à la dernière, extrémité. Théodose pouvait
sans doute proposer à ses sujets païens l’alternative du baptême ou de la mort
; et l’éloquent Libanius donne des louanges à la modération d’un prince absolu
qui ne contraignit jamais ses sujets par une loi positive à embrasser la
religion de leur souverain [3322] .
Il n’était pas indispensablement nécessaire de professer le christianisme pour
jouir des droits de la société civile ; il n’y avait point de punition
particulière prononcée contre ceux dont la crédulité adoptait les fables
d’Ovide, et rejetait obstinément les miracles de l’Évangile. Un grand nombre de
païens zélés et déclarés occupaient des places dans le palais, dans les écoles,
dans les armées et dans le sénat ; ils obtenaient sans distinction tous les
honneurs civils et militaires de l’empire. Théodose témoigna sa généreuse
estime pour le génie et pour la vertu en décorant Symmaque [3323] de la dignité
consulaire, et par son attachement particulier pour Libanius [3324] . L’empereur
n’exigea jamais de ces deux apologistes éloquents du paganisme qu’ils
changeassent, ou dissimulassent leurs opinions religieuses. Les païens
jouissaient du droit de dire et d’écrire leurs sentiments avec la plus
excessive liberté. Les fragments historiques et philosophiques d’Eunape [3325] , de Zozime et
des prédicateurs fanatiques de l’école de Platon, sont remplis des plus
violentes invectives contre les principes et contre la conduite de leurs
adversaires. Si ces audacieux libelles étaient publics, nous devons applaudir à
la

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