Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
sous les murs de Florence. Son prétendu
dessein de placer le diadème sur la tête de son fils Eucherius, ne pouvait
avoir été conduit sans complices et sans .préparations. Stilichon, avec de
semblables vues, n’aurait pas laissé le futur empereur jusqu’à la vingtième
année de sa vie dans le poste obscur de tribun des notaires. La haine
d’Olympius attaqua jusqu’aux sentiments religieux de son rival ; et le clergé,
en célébrant dévotement le jour heureux qui en avait délivré presque
miraculeusement l’Église, assura que si Eucherius eût régné, le premier acte de
sa puissance aurait été de rétablir le culte des idoles et de renouveler les
persécutions contre les chrétiens. Le fils de Stilichon avait cependant été
élevé dans le sein du christianisme ; que son père avait toujours professé et
soutenu avec zèle [3524] .
Le magnifique collier de Sérène venait de la déesse Vesta [3525] et les païens
abhorraient la mémoire d’un ministre sacrilège, qui avait livré, aux flammes
les livres prophétiques de la sibylle, regardés comme les oracles de Rome [3526] . La puissance
et l’orgueil de Stilichon firent tout son crime. Sa généreuse répugnance à
verser le sang de ses concitoyens paraît avoir contribué au succès de son
indigne rival ; et la postérité, pour dernière preuve du mépris que méritait le
caractère d’Honorius, n’a pas daigné lui reprocher sa basse ingratitude envers
le protecteur de sa jeunesse et le soutien de son empire.
Parmi ceux de ses protégés dont le rang et la fortune ont
mérité l’attention de leur siècle, notre curiosité se porte sur le célèbre
poète Claudien, qui, après voir joui de la faveur de Stilichon, fut entraîné
dans la chute de son bienfaiteur. Les titres de tribun et de notaire lui
donnaient un rang à la cour impériale. Par la puissante intervention de Sérène,
il épousa une héritière opulente d’une province d’Afrique [3527] ; et la statue
de Claudien, élevée dans le Forum de Trajan, atteste le goût et là libéralité
du sénat de Rome [3528] .
Lorsque l’éloge de Stilichon devint un crime, Claudien se trouva exposé à la
vengeance d’un courtisais puissant ; qui ne pardonnait pas à l’esprit du poète
de s’être exercé à ses dépens. Il avait comparé, dans une épigramme, les
caractères opposés de deux préfets du prétoire de l’Italie, et fait contraster
le repos innocent du philosophe qui donne quelquefois au sommeil, ou peut-être
à l’étude, des heures destinées aux affaires publiques, avec l’activité funeste
d’un ministre avide et infatigable dans l’exercice de sa rapacité. Peuples
de l’Italie , dit Claudien, faites des vœux pour que Mallius veille sans
cesse, et qu’Adrien dorme toujours ! [3529] Ce reproche doux et amical ne troubla point le repos de Mallius ; mais la
cruelle vigilance d’Adrien épia l’occasion de se venger, et obtint sans peine,
des ennemis de Stilichon, le faible sacrifice d’un poète indiscret. Claudien se
tint caché durant le tumulte de la révolution ; et, consultant plus les règles
de la prudence que les lois de l’honneur, il envoya au préfet offensé un humble
et suppliant désaveu en forme d’épître. Claudien déplore tristement
l’imprudence où l’entraîna une colère insensée ; et, après avoir présenté à son
adversaire les généreux exemples de la clémence des dieux, des héros et des
lions, il ose espérer que le magnanime Adrien dédaignera d’écraser un infortuné
obscur, suffisamment puni par la disgrâce et la pauvreté, et profondément
affligé de l’exil, des tortures et de la mort de ses amis les plus intimes [3530] . Quels qu’aient
été le succès de cette prière et la : destinée du reste de sa vie, il est
constant que, sous peu d’années, la mort réduisit le ministre et le poète à
l’état d’égalité ; mais le nom d’Adrien est presque inconnu, et on lit encore
Claudien avec plaisir dans tous les pays qui ont conservé ou acquis la
connaissance de l’idiome latin. Après avoir balancé avec impartialité son
mérite et ses défauts, nous devons avouer que Claudien ne satisfait ni ne
subjugue la raison. Il serait difficile de trouver dans ses œuvres un de ces
passages qui méritent l’épithète de sublime ou de pathétique. On n’y rencontre
point de ces vers qui pénètrent l’âme ou agrandissent l’imagination. Nous
chercherions en vain dans ses poèmes l’invention heureuse ou
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