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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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réclamé pour lui-même le privilège d’un vétéran, il confia la garde
de la Thrace et de l’Hellespont à Gainas le Goth, et il donna à Leo, son
favori, le commandement de l’armée d’Asie. Ces deux généraux favorisèrent l’un
et l’autre les succès des rebelles ; mais d’une manière différente. Leo [3750] , qu’à raison de
sa taille massive et de son esprit lourd, on surnommait l’Ajax de l’Orient,
avait quitté son premier métier de cardeur de laine pour exercer avec moins
d’intelligence et de succès la profession militaire. Incertain dans ses
opérations, il se décidait par caprice, entreprenait sans prévoir les
difficultés réelles de l’exécution, et négligeait par crainte les occasions les
plus favorables. Les Ostrogoths s’étaient imprudemment engagés dans une position
désavantageuse entre le Mélas et l’Eurymédon, où ils étaient presque assiégés
par les paysans de la Pamphylie ; mais l’arrivée d’une armée impériale, loin
d’achever de les détruire, servit à leur délivrance et à leur triomphe.
Tribigild surprit le camp des Romains dans l’obscurité de la nuit séduisit la
plus grande partie des auxiliaires barbares, en dissipa sans peine des troupes
amollies dans la capitale par le luxe et par l’indiscipline. Gainas, qui avait
si audacieusement concerté et exécuté le meurtre de Rufin, était irrité de la
fortune de son indigne successeur. Il accusait de bassesse honteuse sa longue
patience sous le règne d’un vil eunuque, et l’ambitieux Barbare fut convaincu,
au moins dans l’opinion publique, d’avoir fomenté la révolte de Tribigild, son
compatriote et allié de sa famille [3751] .
Lorsque Gainas passa l’Hellespont pour réunir sous ses drapeaux les restes des
troupes de l’Asie, il conforma avec habileté tous ses mouvements aux désirs des
Ostrogoths : tantôt il se retirait du pays qu’ils voulaient envahir et tantôt
il s’approchait des ennemis pour faciliter la désertion des auxiliaires
barbares. Il exagérait dans ses lettres à la cour impériale la valeur, le génie
et les ressources de Tribigild, et avouait qu’il manquait de moyens et de
talents pour soutenir une guerre aussi difficile. Il arracha enfin une
permission de négocier avec son invincible adversaire. Tribigild dicta
impérieusement les conditions de la paix, et la tête d’Eutrope, exigée pour
préliminaires, révéla l’auteur et le dessein de la conspiration.
    L’écrivain qui, dans ses satires, a satisfait son
ressentiment par la censure outrée des empereurs chrétiens, offense moins la
vérité que la dignité de l’histoire lorsqu’il compare le fils de Théodose à un
de ces animaux doux et timides qui sentent à peine qu’ils appartiennent au
berger qui les conduit. Deux sentiments cependant, la crainte et l’amour
conjugal, éveillèrent un moment l’âme indolente d’Arcadius. Les menaces du
rebelle victorieux l’effrayèrent, et il se laissa toucher par les tendres
discours de l’impératrice Eudoxie, qui, baignée de feintes larmes et portant
son enfant dans ses bras, vint lui demander justice de je ne sais quelle
insulte réelle ou imaginaire dont elle accusait l’audacieux eunuque [3752] . L’empereur
laissa conduire sa main à signer l’arrêt d’Eutrope, et ainsi fut rompit le
talisman qui régnait depuis quatre ans le prince et ses sujets sous la
puissance d’un esclave. Les acclamations qui, si peu de temps auparavant,
célébraient le mérite et le fortune du favori, firent place aux clameurs du
peuple et des soldats, qui lui reprochaient ses crimes et pressaient son
supplice. Dans ces instants de détresse et de désespoir, Eutrope ne put trouver
d’autre asile que le sanctuaire de l’église, dont ses efforts, ou sages, ou
sacrilèges, avaient limité les privilèges. Le plus éloquent de tous les saints,
Jean Chrysostome, eut la gloire de protéger un ministre disgracié, dont le
choix l’avait élevé sur le siége archiépiscopal de Constantinople. Le prélat,
du haut de sa chaire, d’où il pouvait se faire entendre distinctement de la
foule immense, de tout âge et de tout sexe, qui remplissait la cathédrale,
prononça un discours pathétique et conforme à la circonstance, sur le pardon
des injures, et l’instabilité des grandeurs humaines ; et la vue du favori
étendu, pâle et tremblant, sous la table de l’autel, présentait un spectacle
frappant et instructif. L’orateur, qu’on accusa depuis

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