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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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Chrysostome, ou
bouche d’or [3765] .
On expédia un ordre particulier au gouverneur de Syrie ; et comme le peuple
aurait pu s’opposer au départ de son prédicateur favori, on le transporta
secrètement, dans un chariot de poste, d’Antioche à Constantinople. Le
consentement unanime et spontané de la cour, du clergé et du peuple, ratifia le
choix du ministre, et les vertus et l’éloquence de l’archevêque surpassèrent
tout ce qu’en attendait le public. Né dans la capitale de la Syrie, d’une
famille noble et opulente, saint Chrysostome avant été élevé par une mère
tendre, sous la conduite des maîtres les plus habiles. Il fit son cours de
rhétorique à l’école de Libanius ; et ce philosophe célèbre, qui découvrit
bientôt les talents de son disciple, déclara que Jean aurait été digne de lui
succéder, s’il ne se fût pas laissé séduire par les chrétiens. Sa piété le disposa
de bonne heure à recevoir le sacrement de baptême, à renoncer à la profession
honorable et lucrative de la jurisprudence, et à s’enfoncer dans le désert
voisin, où il dompta la fougue de ses sens par une pénitence austère de six
années. Ses infirmités le ramenèrent malgré lui dans le monde, et l’autorité de
Mélèce dévoua ses talents au service de l’Église ; mais au milieu de sa
famille, et ensuite sur le siège archiépiscopal, saint Chrysostome pratiqua
toujours les vertus monastiques. Il employa à fonder des hôpitaux les revenus
que ses prédécesseurs dissipaient dans un luxe inutile ; et la multitude qui
subsistait de ses charités préférait les discours édifiants de l’éloquent
archevêque aux jeux du cirque et aux amusements du théâtre. Les monuments de
cette éloquence, qu’on admira durant près de vingt ans à Antioche et à
Constantinople, ont été soigneusement conservés ; et la possession de plus de
mille sermons ou homélies a mis les critiques des siècles suivants [3766] en état
d’apprécier le mérite de saint Chrysostome. Ils reconnaissent unanimement dans
l’orateur chrétien une abondante et élégante facilité, le talent de déguiser
les avantages qu’il tirait de la rhétorique et de la philosophie, un fonds
inépuisable de métaphores, d’idées et d’images qui varient et embellissent les
sujets les plus simples et les plus communs ; enfin l’art heureux de faire
servir les passions à l’avantage de la vertu, et de démontrer la honte et
l’extravagance du vice avec l’énergie et la vérité, pour ainsi dire, d’une représentation
dramatique.
    Le zèle de l’archevêque, dans ses fonctions pastorales,
irrita et réunit peu à peu contre lui des ennemis de deux espèces
différentes : le clergé, qui enviait ses succès ; et les pécheurs endurcis
qu’offensaient ses reproches. Lorsque saint Chrysostome tonnait dans la chaire
de Sainte Sophie contre la corruption des chrétiens, ses traits se perdaient
dans la fouie sans blesser, sans désigner même aucun individu ; lorsqu’il
déclamait contre les vices de l’opulence, la pauvreté éprouvait peut-être une
consolation passagère ; mais le grand nombre des coupables servait à les
déguiser ; et le reproche était même adouci par quelques idées de grandeur et
de supériorité : mais plus ses regards s’élevaient vers le faîte, et moins ils
embrassaient d’objets. Les magistrats, les ministres, les eunuques favoris, les
dames de la cour [3767] ,
et l’impératrice Eudoxie elle-même, sentaient très bien des reproches d’autant
plus graves qu’ils ne pouvaient plus se partager qu’entre un petit nombre de
coupables. Le témoignage de leur conscience prévenait ou confirmait
l’application que leur en faisait l’auditoire ; et d’intrépide prédicateur
usait du dangereux privilégie de dévouer l’offense et le coupable à
l’exécration publique. Le ressentiment secret de la cour encouragea celui du
clergé et des moines de Constantinople, que le zèle de leur archevêque avait
entrepris de réformer trop précipitamment. Il s’était élevé en chaire contre
l’usage des femmes qui servaient le clergé de la capitale sous le nom de
domestiques ou de sœurs, et qu’il regardait comme une occasion continuelle de
péché ou de scandale. Saint Chrysostome accordait une protection particulière à
ces pieux et silencieux solitaires qui se séquestraient du commerce du
monde ; mais il censurait avec aigreur et méprisait, comme la honte de
leur sainte profession,

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