Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
valeur
par la défaite des Goths de Thessalie ; mais, imitant l’insolence de son maître
dans les loisirs de la paix, Timase abandonnait sa confiance des flatteurs
scélérats et perfides ; méprisant les clameurs du public, il avait donné le
commandement d’une cohorte à l’un de ses subordonnés, homme infâme, qui l’en
punit bientôt par son ingratitude. À l’instigation secrète de l’eunuque favori,
Pargus, accusa son protecteur d’une conspiration contre le souverain. Le
général fut cité devant le tribunal d’Arcadius lui-même, et le premier eunuque,
placé à côté du trône, suggérait à l’empereur les demandes et les réponses ;
mais comme cette manière de procéder aurait pu paraître partial et arbitraire,
on remit la plus ample information des crimes de Timase à Saturnin, consulaire,
et à Procope, beau-père de l’empereur Valens qui jouissait encore des respects
dus à cette illustration. La probité de Procope maintint, dans l’instruction du
procès, l’apparence de l’impartialité ; et il ne céda qu’avec répugnance à la
basse dextérité de son collègue, qui prononça la condamnation du malheureux
Timase. On confisqua son immense fortune au nom de l’empereur et au profit du
favori, et le maître général fut condamné à un exil perpétuel à Oasis, au
milieu des sables déserts de la Libye [3738] .
Séquestré de toute société, ce brave général, disparut pour toujours. Les
circonstances du reste de sa vie ont été racontées de différentes manières. Les
uns prétendent qu’Eutrope envoya secrètement des assassins pour lui ôter la vie [3739] ; d’autres
disent que Timase périt de faim et de soif dans le désert ; en essayant de se
sauver d’Oasis, et que l’on trouva son corps dans les sables de la Libye [3740] ; et
d’autres assurent, d’une manière plus positive, que son fils Syagrius, après
avoir rassemblé une bande de brigands de l’Afrique, avec lesquels il éluda la
poursuite des agents et des émissaires de la cour, délivra Timase de son exil,
et qu’on n’entendit plus, parler ni de l’un ni de l’autre [3741] . Mais le
perfide Bargus, loin de jouir du fruit de son crime, périt bientôt lui-même
enlacé dans les piéges que lui tendit la perfidie d’un ministre plus puissant
que lui, et qui conservait du moins assez d’âme et de jugement pour détester
l’instrument de son crime.
La haine publique et le désespoir des particuliers
menaçaient ou semblaient menacer continuellement la sûreté personnelle
d’Eutrope et des individus attachés à sa fortune ou élevés par sa faveur. Il
inventa pour leur défense commune, une loi qui violait tous les principes de la
justice et de l’humanité [3742] .
1° Il est ordonné, au nom et par l’autorité d’Arcadius, que tous ceux qui, soit
sujets ou étrangers, conspireront contre la vie de l’une des personnels que
l’empereur regarde comme ses propres membres, encourront la peine de mort et de
confiscation ; et cette application métaphorique du crime de lèse-majesté
comprenait non seulement les officiers de l’État et de l’armée de la classe des
illustres et qui siégeaient dans le conseil impérial, mais aussi les
domestiques du palais, les sénateurs de Constantinople ; les commandants
militaires et les magistrats civils des provinces, dénomination vague, qui,
sous les successeurs de Constantin, comprenait une multitude obscure d’agents
subordonnés. 2° Cette extrême sévérité aurait pu paraître équitable, si elle
n’avait tendu qu’à défendre les représentants du souverain contre les violences
auxquelles ils pouvaient être exposés dans l’exercice de leurs fonctions ; mais
la totalité des employés du gouvernement s’était arrogé le droit de réclamer ce
privilège ou plutôt cette impunité, qui des mettait à l’abri, jusque dans les
moments les moins solennels de leur vie, des premiers mouvements de violence où
pouvait se porter le ressentiment, souvent légitime, de leurs concitoyens ; et,
par un étrange renversement de toutes les lois, une querelle particulière et
une conspiration contre l’empereur ou contre l’État encouraient la même
punition comme également criminelles. Le ridicule édit d’Arcadius déclaré
positivement, qu’en matière de crime de trahison les pensées doivent
être punies avec autant de sévérité que les actions ; que la
connaissance d’une intention criminelle, lorsqu’elle n’est pas
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