Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
magnificence
impériale ou de charité chrétienne. Les ressources actuelles avaient toutes été
épuisées par la nécessité imprévue de préparatifs militaires. On ne put trouver
d’autre expédient, pour satisfaire sans délai l’avarice et l’impatience
d’Attila, qu’une contribution personnelle et rigoureuse sur l’ordre des
sénateurs, et elle fut imposée arbitrairement. La pauvreté des nobles les
réduisit à l’humiliante nécessité d’exposer publiquement en venté lés bijoux de
leurs femmes, et les ornements héréditaires de leurs palais [3894] . 3° Il paraît
que le roi des Huns établissait pour principe de jurisprudence nationale, qu’il
ne pouvait jamais perdre la propriété des personnes qui avaient une fois, de
gré ou de force, cédé à son autorité. D’après ce principe, il concluait, et les
conclusions d’Attila étaient des lois irrévocables, que les Huns pris à la
guerre devaient être renvoyés sans rançon et sans délai ; que tout captif
romain fugitif paierait deux pièces d’or pour jouir de sa liberté, et que tous
les déserteurs de ses drapeaux seraient rendus sans condition ni promesse de
pardon. L’exécution de ce honteux traité exposa les officiers de l’empire à
massacrer des déserteurs d’une naissance illustre, devenus fidèles sujets de
l’empereur, et qui rie voulaient point se dévouer à des supplices certains ; et
les Romains perdirent sans retour la confiance de tous les peuples de la
Scythie, en prouvant qu’ils manquaient ou de bonne foi ou de forces pour
protéger les suppliants qui avaient embrassé le trône de Théodose [3895] .
La fermeté d’une petite ville si obscure, que ni les
historiens ni les géographes ne l’ont nommée dans aucune autre occasion, exposa
dans tout son jour le déshonneur de l’empereur et de l’empire. Azimus ou
Azimuntium, dans la Thrace et sur les confins de l’Illyrie [3896] , s’était
distinguée par l’esprit martial de sa jeunesse, par l’habileté des chefs
qu’elle avait choisis, et par leurs brillants exploits contre l’innombrable
armée ces Barbares. Au lieu d’attendre timidement leur approche, les Azimontins
firent de fréquentes sorties, attaquèrent les Huns, qui se retirèrent
insensiblement de ce dangereux voisinage ; ils leur enlevèrent une partie de
leurs dépouilles et de leurs captifs, et recrutèrent leurs forces militaires
par l’association des fugitifs et des déserteurs. Après la conclusion du
traité, Attila menaça l’empire d’une nouvelle guerre si l’on n’obligeait pas
les Azimontins à remplir les conditions acceptées par leurs souverains. Les
ministres deThéodose avouèrent, avec une humble franchise, qu’ils ne pouvaient
plus prétendre à aucune autorité sur des hommes qui étaient si glorieusement
rentrés dans les droits de leur indépendance naturelle ; et le roi des Huns
consentit à négocier un échange avec les citoyens d’Azimus. Ils demandèrent la
restitution de quelques pâtres qui s’étaient laissé surprendre avec leurs
troupeaux. La recherche fût accordée et infructueuse ; mais avant de rendre
deux Barbares qu’ils avaient conservés pour garants de la vie de leurs
compatriotes, ils obligèrent les Huns à faire serment qu’ils ne retenaient
point d’Azimontins parmi leurs prisonniers. Attila, de son côté, trompé par
leurs protestations, crut, comme ils l’assuraient, que le reste des captifs
avait été passé au fil de l’épée, et qu’ils étaient dans l’usage de renvoyer
sur-le-champ tous les Romains et les déserteurs qui se réfugiaient sous leur protection.
Les casuistes blâmeront ou excuseront ce mensonge officieux et prudent, en
proportion de ce qu’ils inclinerons plus ou moins pour les opinions rigides de
saint Augustin ou pour les sentiments plus doux de saint Jérôme ou de saint
Chrysostome [3897] ;
mais tout militaire et tout homme d’État doit convenir que si l’on eût
encouragé et multiplié la race guerrière des Azimontins, les Barbares auraient
été bientôt forcés de respecter la majesté de l’empire.
Il aurait été bien étrange qu’en renonçant à l’honneur,
Théodose obtînt la certitude d’une paix solide, et que sa timidité le mit à
l’abri de nouveaux outrages. Il fut successivement insulté par cinq ou six
ambassades du roi des Huns [3898] ,
qui toutes avaient pour objet de presser l’exécution tardive ou imparfaite des
articles du traité, de produire les noms des
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