Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
postes de nuit à la porte du trésor, du palais et des
appartements particuliers du monarque .
Lorsque le roi des Visigoths encouragea Avitus à se ceindre
du diadème, il lui offrit sa personne et son armée comme fidèle soldat de la
république [4011] .
Les exploits de Théodoric prouvèrent bientôt à l’univers qu’il n’avait pas
dégénéré de la valeur de ses ancêtres. Après l’établissement des Goths dans
l’Aquitaine et le passage des Vandales en Afrique, les Suèves, qui s’étaient
fixés dans la Galice, aspirèrent à la conquête de l’Espagne, et menaçaient
d’anéantir les faibles restes de la domination romaine. Les habitants de
Tarragone et de Carthagène, désolés par une invasion, représentèrent leurs
craintes et leurs souffrances. Le comte Fronto s’y rendit au nom de l’empereur
Avitus, et fit des offres avantageuses de paix et d’alliance. Théodoric
interposa sa médiation, et déclara que si son beau- frère, le roi des Suèves,
ne se retirait pas sans délai, il se verrait contraint d’armer en faveur de
Rome et de la justice. Dites-lui , répondit l’orgueilleux Rechiarius, que
je méprise ses armes et son amitié, et que j’éprouverai bientôt s’il a le
courage, d’attendre mon arrivée sous les murs de Toulouse . Ce défi décida
Théodoric à prévenir les desseins de son audacieux ennemi : il passa les
Pyrénées à la tête des Visigoths. Les Francs et les Bourguignons suivirent ses
étendards ; et quoiqu’il se déclara le fidèle serviteur d’Avitus, le prince
barbare stipula secrètement qu’il conserverait pour lui et pour ses successeurs
la possession absolue de ses conquêtes d’Espagne. Les deux armées, ou plutôt
les deux nations, parurent en présence l’une de l’autre sur les bords de la
rivière Urbicus, environ à douze milles d’Astorga et la victoire décisive des
Goths parut quelque temps avoir anéanti la puissance et le nom d’es Suèves. Du
champ de bataille Théodoric s’avança à Braga, leur capitale, qui conservait
encore une partie de son commerce et de sa magnificence [4012] . Le sang ne
souilla point l’entrée du roi des Visigoths, et ses soldats respectèrent la
chasteté de leurs captives, particulièrement des vierges consacrées ; mais une
grande partie du peuple et du clergé fut réduite en esclavage, et le pillage
s’étendit jusqu’aux églises et aux autels. L’infortuné roi des Suèves avait
gagné un des ports de l’Océan ; mais des vents obstinés s’opposèrent à sa fuite
: il fut livré à son implacable rival ; et Rechiarius, qui ne désirait ni
n’espérait point de grâce, reçut avec courage la mort qu’il aurait probablement
infligée s’il eût été victorieux. Après avoir fait ce sacrifice à la politique
et au ressentiment, Théodoric porta ses armes victorieuses jusqu’à Mérida,
capitale de la Lusitanie, sans rencontrer d’autre obstacle que la puissance
miraculeuse de sainte Eulalie ; mais il fut arrêté dans le fort de ses succès
et rappelé précipitamment de l’Espagne avant d’avoir pu assurer là conservation
de ses conquêtes. Dans sa retraite, il se vengea de ce contretemps sur le pays
qu’il traversa ; et, dans le sac d’Astorga et de Pollentia, sa conduite fut
celle d’un allié infidèle et d’un ennemi barbare. Tandis que le roi des
Visigoths combattait et remportait des victoires au nord d’Avitus, le règne de
cet empereur était déjà terminé ; et le malheur d’un ami qu’il avait placé sur
le trône blessait également l’intérêt et l’orgueil de Théodoric [4013] .
Séduit par les sollicitations pressantes du peuple et du
sénat ; Avitus avait consenti à fixer sa résidence à Rome, et avait, accepté le
consulat pour l’année suivante. Au 1er de janvier, son gendre Sidonius
Apollinaris célébra ses louanges dans un panégyrique de six cents vers ; mais
cette composition, quoique récompensée d’une statue de cuivre [4014] , fait peu
d’honneur à son génie et à sa véracité. Le poète, si toutefois on petit lui
prostituer cet honorable nom, s’étend avec exagération dans cet ouvrage sur le
mérite de son père et de son souverain ; et sa prédiction d’un règne long et
glorieux fut bientôt démentie par l’événement. Dans un temps où la dignité
impériale se bornait presqu’à une première part dans les travaux et les
dangers, Avitus se livrait à tous les plaisirs de la voluptueuse Italie. L’âge
n’avait pas
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