Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
prétoriennes, enfla
les espérances de leurs commandants : ces ministres redoutables
commencèrent à faire valoir leurs droits légitimes sur le trône vacant.
Cependant Adventus, le plus ancien des deux préfets, ne fut point ébloui par
l’éclat d’une couronne : son âge, ses infirmités, une réputation peu
éclatante, des talents plus médiocres encore, l’engagèrent à céder cet honneur
dangereux à un collègue adroit et entreprenant. Quoique les troupes, trompées
par la douleur affectée de Macrin, ignorassent la part qu’il avait à la mort de
son maître [481] ,
elles n’aimaient ni n’estimaient son caractère : elles jetèrent les yeux de
tous côtés pour découvrir un autre concurrent, et se déterminèrent enfin avec
peine en faveur de leur préfet, séduites par des promesses d’une libéralité
excessive et d’une indulgence sans bornes. Peu de temps, après son avènement,
Macrin donna le titre impérial à son fils Diadumenianus [11 mars 217] ,
âgé seulement de dix ans, et le fit appeler Antonin, nom si cher au peuple. On
espérait que la figure agréable du jeune prince, et les gratifications
extraordinaires dont la cérémonie de son couronnement avait été le prétexte,
pourraient gagner la faveur de l’armée, et assurer le trône chancelant du
nouvel empereur.
Le sénat et les provinces avaient applaudi au choix des
troupes, et s’étaient empressés de le ratifier. Il ne s’agissait pas de peser
les vertus du successeur de Caracalla : la chute imprévue d’un tyran
abhorré excitait partout des transports de joie et de surprise. Lorsque ces
premiers mouvements, furent apaisés, on commença à examiner sévèrement les
titres de chacun et à critiquer le choix précipité de l’armée. Jusqu’alors
l’empereur avait été tiré de l’assemblée la plus auguste de la nation. Il
semblait que la puissance souveraine, qui n’était plus exercée par le corps
entier du sénat, devait toujours être déléguée à l’un de ses membres. Cette
maxime, soutenue par une pratique constante, paraissait être un des principes
fondamentaux de la constitution. Macrin n’était pas sénateur [482] . L’élévation
soudaine des préfets du prétoire rappelait encore l’état obscur d’où ils
étaient sortis ; et les chevaliers avaient toujours eut en possession de cette
place importante, qui leur donnait une autorité arbitraire sur la vie et sur la
fortune des plus illustres patriciens. On ne pouvait voir sans indignation
revêtu de la pourpre un homme sans naissance [483] ,
qui ne s’était même rendu célèbre par aucun service signalé, tandis que
l’empire renfermait dans son sein une foule de sénateurs illustres, descendus
d’une longue suite d’aïeux, et dont la dignité personnelle pouvait relever
l’éclat du rang impérial. Dès que le caractère de Macrin eut été exposé aux
regards avides d’une multitude irritée, il fut aisé d’y découvrir quelques
vices et un grand nombre de défauts. Le choix de ses ministres lui attira
souvent de justes reproches ; et le peuple, avec sa sincérité ordinaire,
se plaignait à la fois de la douce indolence et de la sévérité excessive de son
souverain [484] .
L’ambition avait porté Macrin à un posté élevé, où il était
bien difficile de se tenir ferme, et duquel on ne pouvait tomber, sans trouver
aussitôt une mort certaine. Nourri dans l’intrigue des cours, et entièrement
livré aux affaires dans les premières années de sa vie, ce prince tremblait en
présence de la multitude fière et indisciplinée qu’il avait entrepris de
commander. Il n’avait aucun talent pour la guerre ; on doutait même de son
courage personnel. Son fatal secret fut découvert : on se disait dans le
camp que Macrin avait conspiré contre son prédécesseur. La bassesse de
l’hypocrisie ajoutait à l’atrocité du crime, et la haine vint mettre le comble
au mépris. Il ne fallait, pour soulever les troupes et pour exciter leur
fureur, qu’entreprendre de rétablir l’ancienne discipline La fortune avait
placé l’empereur sur le trône dans des temps si orageux, qu’il se trouva forcé
d’exercer l’office odieux et pénible de réformateur. La prodigalité de
Caracalla fut la source, de tous les maux qui désolèrent l’État après sa mort.
S’il eût été capable de réfléchir sur les suites naturelles de sa conduite, la
triste perspective des calamités qu’il léguait à ses successeurs,
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