Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
aurait
peut-être eu de nouveaux charmes pour cet indigne tyran.
Macrin usa d’abord de la plus grande circonspection dans une
réforme devenue, indispensable : ses mesures paraissaient devoir fermer
aisément les plaies de l’État, et rendre, d’une manière imperceptible, aux
armées romaines leur première vigueur. Contraint de laisser aux anciens soldats
les privilèges dangereux et la paye extravagante que leur avait donnés
Caracalla, il obligea les recrues à se soumettre aux établissements plus modérés
de Sévère, et il les accoutuma par degrés à la modération et à l’obéissance [485] . Une faute
irréparable détruisit les effets salutaires de ce plan judicieux. Au lieu de
disperser immédiatement dans différentes provinces lai nombreuse armée que le
dernier empereur avait assemblée en Orient, Macrin la laissa en Syrie pendant
l’hiver qui suivit son avènement. Au milieu des plaisirs d’un camp où régnaient
le luxe et l’oisiveté, les troupes s’aperçurent de leur nombre et de leur force
redoutable, se communiquèrent leurs sujets de plaintes, et calculèrent dans
leur esprit les avantages d’une nouvelle révolution. Les vétérans, loin d’être
flattés d’une distinction avantageuse, croyaient voir dans les premières
démarches de l’empereur le commencement de ses projets de réforme. Les nouveaux
soldats entraient avec une sombre répugnance dans un service devenu plus
pénible, et dont les récompenses avaient été diminuées par un souverain avare
et sans courage pour la guerre : des clameurs séditieuses succédèrent à
des murmures impunis ; et les soulèvements particuliers, indices certains du
mécontentement des troupes, annonçaient une rébellion générale. L’occasion s’en
présenta bientôt à des esprits ainsi disposés.
L’impératrice Julie avait éprouvé toutes les vicissitudes de
là fortune : tirée d’un état obscur, elle était parvenue à la grandeur que
pour sentir toute l’amertume d’un rang élevé. Elle fut condamnée à pleurer la
mort de l’un de ses fils, et à gémir sur la vie de l’autre. Le sort cruel de
Caracalla, quoiqu’elle eût dû le prévoir depuis longtemps, réveilla la
sensibilité d’une mère et d’une impératrice. Malgré les égards respectueux de
l’usurpateur pou la veuve de Sévère, il était bien dur à une souveraine d’être
réduite à l’a condition de sujette. Bientôt Julie mit fin, par une mort
volontaire [486] ,
à ses chagrins et à son humiliation [487] .
Julie Mœsa, sa sœur, reçût ordre de quitter Antioche et la cour : elle se
retira dans la ville d’Émèse avec une fortune immense, fruit de vingt ans de
faveur. Cette princesse y vécut avec ses deux filles, Soœmias et Mammée, toutes
les deux veuves, et qui n’avaient chacune qu’un fils.
Bassianus [488] ,
fils de Soœmias, exerçait les fonctions augustes de grand-prêtre du Soleil. Cet
état, que la prudence où la superstition avait fait embrasser au jeune Syrien,
lui, fraya le chemin au trône.
Un corps nombreux de troupes campait alors près des murs
d’Émèse. Les soldats, forcés de passer l’hiver sous leurs tentes supportaient
avec peine le poids de ces nouvelles fatigues, traitaient de cruauté la discipline
sévère de Macrin, et brûlaient du désir de se venger. Ceux d’entre eux qui se
rendaient en foule dans le temple du Soleil, contemplaient avec une
satisfaction mêlée de respect les grâces et la figure charmante du jeune
pontife : ils crurent même reconnaître, en le voyant, les traits de
Caracalla, dont alors ils adoraient la mémoire. L’artificieuse Mœsa s’aperçut
de leur affection naissante, et sut en profiter. Ne rougissant pas de sacrifier
la réputation de sa fille à la fortune de son petit-fils, elle fit courir le
bruit que Bassianus avait pour père le dernier empereur. Des sommes excessives,
distribuées par ses émissaires, détruisirent toute objection ; et la
prodigalité prouva suffisamment l’affinité, ou du moins la ressemblance de
Bassianus avec Caracalla. Le jeune Antonin (car il pris et souilla ce nom
respectable), déclaré empereur par les soldats d’Émèse [16 mai 218] ,
résolut de faire valoir les droits de sa naissance, et invita hautement les
troupes à généreux qui avait pris les armes pour venger la mort de son père, et
délivrer les troupes de l’oppression [489] .
Tandis que des femmes et des eunuques conduisaient avec
vigueur une entreprise concertée
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