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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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Syrie, ou au fier dédain des guerriers qui
l’accompagnaient [493] .
    Le nouvel empereur, parti de Syrie, pour se rendre à Rome :
comme toute son attention était dirigée vers les amusements les plus frivoles,
son voyage, sans cesse interrompu par les nouveaux plaisirs, dura plusieurs
mois. Il s’arrêta d’abord à Nicomédie, où il passa l’hiver qui suivit sa
victoire, et il ne fit que l’été d’après son entrée triomphale dans la
capitale. Cependant, avant son arrivée, il y envoya son portrait, qui., placé
par ses ordres sur l’autel de la Victoire, dans le temple où s’assemblait le
sénat, donna aux Romains une juste mais honteuse idée de la personne et des
mœurs de leur nouveau prince. Il était revêtu de ses attributs
pontificaux : sa robe d’or et de soie flottait à la mode des Phéniciens et
des Mèdes. Une tiare élevée ornait sa tête, et des pierres d’un prix
inestimable rehaussaient l’éclat des colliers et des nombreux bracelets dont il
était couvert. On le voyait représenté avec des sourcils peints en noir, et il
était facile de découvrir sur ses joues un mélange de blanc et de rouge
artificiels [494] .
Quelle dut être à la vue de ce tableau, la douleur des graves patriciens. Après
avoir gémi longtemps sous la sombre tyrannie de leurs concitoyens, ils
avouaient en soupirant que Rome, asservie par le luxe efféminé du despotisme
oriental, éprouvait le dernier degré d’avilissement.
    On adorait le Soleil dans la ville d’Émèse, sous le nom
d’Élagabale [495] ,
et sous la forme d’une pierre noire taillée en cône, qui, selon l’opinion
vulgaire, était tombée du ciel sur ce lieu sacré. Antonin attribuait, avec
quelque raison, sa grandeur à la protection de cette divinité tutélaire. Il ne
s’occupa, pendant le cours de son règne, qu’à satisfaire sa reconnaissance
superstitieuse. Son zèle et sa vanité l’engagèrent à établir la supériorité du
culte du dieu d’Émèse sur toutes les religions de la terre. Comme son premier
pontife et comme l’un de ses plus grands favoris il emprunta lui-même le nom
d’Élagabale, nom sacré qu’il préférait à tous les titres de la puissance
impériale.
    Dans une procession solennelle qui traversa les rues de
Rome, le chemin fut parsemé de poussière d’or. On avait placé la pierre noire,
enchâssée dans des pierreries de la plus grande valeur, sur un char tiré par
six chevaux d’une blancheur éclatante et richement caparaçonnés. Le religieux
empereur tenait lui-même les rênes ; et, soutenu par ses ministres, il se
renversait en arrière, pour avoir le bonheur de jouir perpétuellement de
l’auguste présence de la divinité. On n’avait rien épargné pour embellir le
temple magnifique élevé, sur le mont Palatin, en l’honneur du dieu Élagabale.
Au milieu des sacrifices les plus pompeux, les vins les plus recherchés
coulaient sur un autel entouré des plus rares victimes, et où l’on brûlait les
plus précieux aromates. Autour de l’autel, de jeunes Syriennes figuraient des
danses lascives au son d’une musique barbare, tandis que les premiers
personnages de l’État, revêtus de longues tuniques phéniciennes, exerçaient les
fonctions inférieures du sacerdoce avec une vénération affectée et une secrète
indignation [496] .
    L’empereur, emporté par son zèle, entreprit de déposer dans
ce temple, comme dans le centre commun de la religion romaine, les ancilia ,
le palladium [497] et tous les gages sacrés du culte de Numa. Une foule de divinités, inférieures
remplissaient des places différentes auprès du superbe dieu d’Émèse ;
cependant il manquait à sa cour une compagne d’un ordre supérieur qui partageât
son lit. Pallas fut d’abord choisie pour être son épouse ; mais on
craignit que son air guerrier n’effrayât un dieu accoutumé à la mollesse
efféminée de l’Orient. La Lune, que les Africains adoraient sous le nom
d’Astarté, parut convenir mieux au Soleil. L’image de cette déesse, et les
riches offrandes de son temple, qu’elle donnait à son mari, furent transportées
de Carthage à Rome avec la plus grande pompe ; et le jour de cette alliance
mystique fût célébré généralement dans la capitale et dans tout l’empire [498] .
    L’homme sensuel qui n’est point sourd à la voix de la
raison, respecte dans ses plaisirs les bornes que la nature elle-même a
prescrites : la volupté lui paraît mille fois plus séduisante,

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