Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
platonisme
avec leur nouvelle doctrine, et le défigurèrent entièrement ; enfin les
Égyptiens, qui ne voulaient pas abandonner des idées pour lesquelles les Grecs
eux-mêmes avaient du respect, travaillèrent de leur côté à les arranger avec
celles de leurs voisins. C’est dans l’Ecclésiastique et dans le livre de la
Sagesse que se fait sentir l’influence de la philosophie orientale, plutôt que
celle du platonisme : on trouvé dans ces livres et dans ceux des derniers
prophètes, comme Ézéchiel, des idées que les Juifs n’avaient pas avant la
captivité de Babylone, dont on ne saurait trouver le germe dans Platon, et qui
viennent visiblement des Orientaux. Ainsi Dieu présenté sous l’image de la
lumière, et le principe du mal sous celui des ténèbres, l’histoire des bons et
des mauvais anges, le paradis et l’enfer, etc. sont des dogmes dont l’origine,
ou tout au moins la détermination positive, ne saurait être rapporté qu’à la
philosophie orientale. Platon croyait la matière éternelle, les Orientaux et
les Juifs la regardaient comme une création de Dieu, seul éternel. Il est
impossible d’expliquer la philosophie de l’école d’Alexandrie par le seul
mélange de la théologie judaïque et de la philosophie grecque ; la philosophie
orientale, quelque peu connue qu’elle soit, s’y fait reconnaître à chaque
instant : ainsi, selon le Zend-Avesta c’est par la parole ( honover ),
plus ancienne que le monde qu’Ormuzd à créé toutes choses. Cette parole est le
logos de Philon, bien différent, par conséquent, de celui de Platon. J’ai fait
voir que Platon n’avait jamais personnifié le logos du type idéal du monde ;
Philon hasarda cette personnification. La Divinité, selon lui, a un double
logos ; le premier ( λογος
ενδιαθετος ) est le type idéal
du monde , le monde idéal, c’est le premier né de la Divinité ; le second ( λογος
προφοριxος ) est la parole
même de Dieu , personnifiée sous l’image d’un être agissant pour créer le
monde sensible et le rendre semblable au monde idéal ; c’est le second fils de
Dieu. Poussant jusqu’au bout ses rêveries, Philon alla jusqu’à personnifier de
nouveau le monde idéal sous l’image d’un homme céleste ( ουρανιος
ανθρωπος ), type primitif de
l’homme, et le monde sensible sous l’image d’un autre homme, moins parfait que
l’homme céleste. Certaines idées de la philosophie orientale ont pu donner lieu
à cet étrange abus de l’allégorie, qu’il suffit de rapporter pour faire voir
quelles altérations avait déjà subies alors le platonisme, et quelle en était
la source : encore Philon est-il de tous les Juifs d’Alexandrie celui dont le
platonisme est le plus pur. (Voyez Buhle, Introd. à l’Hist. de la
philosophie moderne , en allemand, p. 590 et suiv. ; Michaëlis, Introd.
au Nouveau Testament , en allemand, part. II, page 973.) C’est de ce mélange
d’orientalisme, de platonisme et de judaïsme, que sortit le gnosticisme, qui a
produit tant d’extravagances théologiques et philosophiques, et où les idées
orientales les dominent évidemment. ( Note de l’Éditeur .)
[2320] Le Clerc ( Épîtres critiques , VIII, pages
211-228) a prouvé, d’une manière victorieuse, le platonisme de Philon, si
fameux, qu’il était passé en proverbe. Basnage ( Hist. des Juifs , IV, ch.
5) a démontré clairement que les œuvres théologiques de Philon furent composées
avant la mort et très probablement avant la naissance de Jésus-Christ. Dans ce
temps d’obscurité les connaissances de Philon sont plus étonnantes que ses
erreurs. Bull., Defens. fid. nicen ., s. I, c. I, p. 12.
[2321] Mens agitat molem, et magno se corpori miscet .
En outre de cette âme matérielle, Cudworth a découvert
(p. 562) dans Amelius, Porphyre, Plotin, et, selon lui, dans Platon lui-même,
une âme spirituelle, supérieure, upercosmienne , de l’univers ; mais
Brucker, Basnage et Le Clerc, prétendent que cette double âme est une invention
oiseuse des derniers platoniciens.
[2322] Petau, Dogmata theologica , t. II, l. VIII, c.
2, p. 791 ; Bull., Defens. fid. nicen ., s. I, c. I, p. 8, 13. Cette
opinion fut adoptée dans la théologie chrétienne, jusqu’au moment où les ariens
en abusèrent. Tertullien ( advers. Praxeam , c. 16) contient un passage
remarquable et dangereux. Après avoir mis en opposition, d’une manière aussi
indiscrète qu’ingénieuse, la
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