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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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la certitude, mais aussi à la physique de l ’ école  ; il ne pouvait supporter ce dogmatisme qui prétend connaître le secret des choses  ; la théologie de l ’ école, avec ses théories de la divination et du destin, fait surtout l ’ objet de ces critiques. Ces critiques elles-mêmes sont du type dialectique, c ’ est en tirant correctement les conséquences des opinions admises par les Stoïciens qu ’ il en fait sentir l ’ absurdité.
    Par exemple sa critique de la notion des dieux  : les dieu sont, pour les Stoïciens, des êtres animés, bienheureux et d ’ une vertu parfaite. Considérons chacun de ces points  : un être vivant a des sensations, et un être aussi parfait qu ’ un dieu a au moins autant de sensations que les hommes  ; donc il possède le goût, avec le goût, des sensations du doux et de l ’ amer, avec ces sensations, des états agréables ou pénibles  ; s ’ il a des états de ce genre, il est susceptible de changement, donc corruptible  ; ce n ’ est pas un dieu. Il en est de même de toutes les sensations. La sensation en général n ’ est-elle pas d ’ ailleurs un changement par altération  ? or tout être qui subit une altération est corruptible et ne peut être un dieu. Dieu, disent les Stoïciens, est un être parfaitement vertueux , or, d ’ après eux, qui a une vertu les a toutes  ; il faut donc attribuer aux dieux la continence, et avec elle la résistance au mal  ; Dieu ressentant le mal, est capable de changement, donc de corruption  ; ce n ’ est pas un dieu. On pourrait en dire autant de toutes les vertus.
    On trouve également trace d ’ une autre sorte d ’ argumentation qui s ’ adresse moins directement aux Stoïciens. Carnéade demande au dogmatique si Dieu est fini ou infini, s ’ il est un incorporel ou un corps, s ’ il a la voix ou s ’ il en est privé  ; et il prouve successivement l ’ impossibilité de chacune des deux p.391 alternatives. Dieu ne peut être ni infini, car il serait immobile et sans âme, ni fini, car il ferait partie d ’ un tout plus grand qui le dominerait. Il ne peut être ni un incorporel, car l ’ incorporel (au sens stoïcien du mot, c ’ est-à-dire le temps ou le lieu) ne peut agir, ni un corps, car tout corps est corruptible. Il ne peut être ni privé de voix, ce qui contredirait la notion commune qu ’ on en a, ni doué de voix, puisqu ’ il n’y a pas de raison de lui donner un langage plutôt qu ’ un autre.
    Cette critique de la théologie est d ’ importance  ; la notion de dieu est, par elle, rejetée dans un impénétrable mystère  ; si Dieu possède la vie, la pensée, la vertu, la parole, ce ne peut être au sens humain de ces mots. Carnéade prépare indirectement le retour à une théologie platonicienne moins anthropomorphique que celle des Stoïciens  [552] .
    Sa critique de la divination est aussi toute dialectique. Ou bien l ’ événement prédit est fortuit, et alors comment le prévoir  ? Ou bien il est nécessaire, et alors il est objet de science et non plus de divination  ; de plus la divination qui le fait connaître ne peut servir à nous en garantir s ’ il est un mal  ; elle est donc nuisible. Pour saisir la véritable portée de cette critique, il faut connaître les sentiments dans lesquels plus tard Épictète recommande d ’ aborder les devins, non pas avec le désir de servir nos intérêts temporels, mais avec une parfaite confiance en la bonté divine. Là encore, la critique de Carnéade suggère un sentiment religieux plus raffiné  [553] .
    Cicéron, en son traité Sur le Destin nous rapporte enfin la critique de Carnéade sur la thèse de Chrysippe qui prétendait allier le destin et la liberté  ; il n ’ a pas de peine à montrer que, malgré les efforts de Chrysippe, il suit de l ’ affirmation du destin que rien n ’ est en notre pouvoir. En revanche il conteste la nécessité de la liaison que Chrysippe a établie entre l ’ affirmation du destin et le principe de causalité. De ce que rien n ’ arrive p.392 sans cause, il ne suit pas que tout arrive par le destin, c ’ est-à-dire par une trame de causes liées l ’ une à l ’ autre  ; il peut y avoir des causes indépendantes qui s ’ insèrent du dehors dans la trame des choses, et la volonté libre de l ’ homme peut être une de ces causes. La portée de cette critique est au fond la même que celle des précédentes  ; elle suggère qu ’ il existe un ordre de

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