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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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comme donnant le type de la certitude  ; il enseigna à Paris à partir de 1305 et y mourut en 1308. Il écrivit en Angleterre ses commentaires sur Aristote et des Questions sur les sentences de P. Lombard (l ’ inauthenticité du De Rerum principio , qu ’ on attribuait à cette période paraît prouvée), à Paris les Reportata parisiensia et les Collationes  : il démontra la supériorité religieuse des moines mendiants sur les réguliers dans le De perfectione statuum .
    Duns Scot ne rentre dans aucun des courants que nous avons suivis  : à ceux qui en font un augustinien, l ’ on doit objecter la critique très vive qu ’ il fait des théories les plus chères à l ’ école  : celle de la connaissance intellectuelle comme illumination, celle des raisons séminales contenues dans la matière et des connaissances innées contenues dans l ’ âme. Mais il est encore moins thomiste  : ses doctrines les plus célèbres, l ’ existence actuelle de la matière, l ’ individuation par la forme (haeccéité), la priorité de la volonté, sont en opposition consciente et voulue avec celles de saint Thomas.
    p.709 Un des traits essentiels qui le distingue et l ’ isole, c ’ est l ’ affirmation sans réticence de ce que l ’ on pourrait appeler le caractère historique de la vision chrétienne de l ’ univers  : création , incarnation, imputation des mérites du Christ, ce sont, de la part de Dieu, des actes libres au sens le plus plein du mot, c ’ est-à-dire qui auraient pu ne pas avoir lieu et qui dépendent d ’ une initiative de Dieu qui n ’ a d ’ autre raison que sa propre volonté. Le credo ut intelligam de saint Anselme, l ’ effort pour scruter les motifs de Dieu sont à l ’ opposé direct de ce nouvel esprit. Et c ’ est pourquoi il a singulièrement allongé la liste des purs objets de foi, des credibilia , «  qui sont d ’ autant plus certains pour les catholiques qu ’ ils ne s ’ appuient pas sur notre entendement aveugle et souvent vacillant, mais trouvent un soutien ferme dans la plus solide des vérités »  : toute-puissance, incommensurabilité, infinité, vie, volonté, toute présence, vérité, justice, providence, c ’ est-à-dire presque tous les attributs divins que saint Thomas déduisait de la notion de Dieu comme cause du monde, sont pour Duns Scot des objets de foi. Il admet sans doute pourtant une preuve rationnelle de l ’ existence de Dieu, la preuve a contingentia mundi qui nous force à passer de l ’ être changeant dont nous avons l ’ expérience à l ’ être nécessaire qui a en lui sa raison d ’ être. Cette preuve ne saurait partir, comme le veut saint Anselme, de la notion de «  l ’ être le plus grand que l ’ on puisse penser »  ; car cette notion qui n ’ est point une idée simple et innée a été formée par nous en partant des êtres finis, et il faudrait d ’ abord montrer qu ’ elle n ’ est pas contradictoire.
    On pourrait résumer ces vues en disant que toute trace de l ’ esprit néoplatonicien, c ’ est-à-dire d ’ affirmation de la continuité et de la hiérarchie entre les formes du réel, a presque disparu chez Duns Scot. Si l ’ augustinisme affirmait continuité dans l ’ être donc continuité dans la connaissance, et le thomisme continuité dans l ’ être mais discontinuité dans la connaissance, le scotisme pourrait avoir pour formule  : discontinuité dans p.710 l ’ être et discontinuité dans la connaissance  [861] . Duns Scot emploie en effet tous les concepts que nous avons vu s ’ imposer au XII I e siècle  : intellect possible et intellect agent, matière et forme, universel et individuel, volonté et entendement  ; mais tandis que, chez les penseurs précédents, ces concepts s ’ appelaient, se liaient, se hiérarchisaient, s ’ organisaient, le but de Duns Scot paraît être d ’ y faire voir des termes indépendants dont chacun à part a une réalité pleine et suffisante, qui s ’ ajoutent sans doute, mais sans s ’ exiger.
    Duns Scot paraît d ’ ailleurs abandonner le principe d ’ analogie universelle qui, chez Bonaventure et même chez saint Thomas, était le grand moteur de la continuité. En déclarant que l ’ être a un sens univoque et non pas équivoque au regard de Dieu et des créatures (c ’ est-à-dire qu ’ il signifie la même chose), il enlève tout fondement au rapport d ’ analogie qui permet de passer d ’ un terme (la créature), être au

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