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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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sens dérivé, à un autre, Dieu qui est être en un plus noble sens  ; car la créature et Dieu se rapportent au même titre et de la même façon à la notion d ’ être, qui ne donne ainsi aucun moyen de les distinguer en les rapprochant.
    Ce discontinuisme se marque d ’ abord par la théorie de la matière  : elle est hostile à la fois à l ’ augustinisme et au thomisme  ; à l ’ augustinisme parce que Duns Scot nie l ’ existence d ’ une raison séminale au sein de la matière  ; au thomisme parce qu ’ il nie le principe péripatéticien qu ’ il n ’ y a aucune puissance qui puisse faire que la matière existe sans la forme  ; il nie en un mot ce qu ’ il y a de commun à deux théories par ailleurs si opposées, à savoir le lien entre matière et forme qui fait que, dans la première, la matière contient un principe interne qui la fait aspirer à la forme et que, dans la seconde, la matière n ’ a d ’ existence que relative à la forme qui l ’ actualise  [862] . p.711 Duns Scot pense (comme Henri de Gand) que la matière, puisqu ’ elle a une idée distincte, est quelque chose d ’ actuel par soi  ; il n ’ est pas arrêté par cette objection d ’ Aristote que, s ’ il en est ainsi, le composé de matière et de forme est fait de deux êtres en acte qui s ’ ajoutent et qu ’ il n ’ a plus d ’ unité.
    La théorie de l ’ haeccéité de Duns Scot résout le problème de l ’ individuation dans un sens évidemment contraire au thomisme  ; mais elle n ’ est pas moins défavorable à l ’ augustinisme. On sait que, le tableau des genres et des espèces étant tracé jusqu ’ aux espèces inférieures ou spécialissimes, le péripatétisme refusait de trouver quoi que ce soit d ’ intelligible dans les individus où se distribuait la forme spécifique, attribuant cette division purement numérique à la matière, à l ’ adjonction des accidents à la forme spécifique. On se rappelle d ’ autre part que l ’ augustinisme, voyant dans l ’ âme individuelle le sujet de la destinée surnaturelle, conférant d ’ ailleurs à l ’ âme une connaissance de soi par soi qui la rend, quoique singulière, intelligible à elle-même, répudiait, au nom de la foi, la théorie de l ’ individuation par la matière. Et il reste bien, chez le franciscain Duns Scot, quelque chose de cet esprit augustinien : admettre la thèse thomiste, croire que la nature ou forme spécifique reste la même dans tous les individus d ’ une même espèce, c ’ est en revenir au « maudit Averroès  » [863] ;  c ’ est croire que la nature humaine, d ’ elle-même indivise, se divise seulement par la quantité comme de l ’ eau homogène qu ’ on distribuerait en différents vases. Mais la doctrine de Duns Scot vise à un résultat bien plus général  : il veut donner à l ’ individu comme tel une intelligibilité analogue à celle que le péripatétisme donne à l ’ espèce, c ’ est-à-dire une détermination par des caractères positifs et essentiels et non plus par des caractères négatifs et accidentels  ; la socratité est quelque chose de positif, même avant l ’ existence de Socrate dans la matière, et elle persiste, p.712 quels que puissent être les changements de quantité et d ’ accidents dans le Socrate réel. C ’ est l ’ unité de l ’ individu, unité admise par tous qui, pour Duns Scot, exige une entité déterminée qui est l ’ haeccéitë  : la forme spécifique (équinité) n ’ inclut pas cette entité, la matière à laquelle elle se lie (la structure corporelle commune à tous les corps de chevaux) non plus  ; il faut donc la chercher en dehors de la forme, de la matière et par conséquent de leur composé, dans une réalité ultime. Mais il faut faire attention que le passage de l ’ espèce aux individus ne s ’ opère pas comme celui du genre aux espèces  [864] : dans le passage du genre aux espèces, le genre est à la différence comme un être en puissance est à une forme qui le détermine, et c ’ est pourquoi genre et différence s ’ unissent en une réalité unique. L ’ espèce spécialissime au contraire est entièrement définie : elle n ’ exige point, pour se compléter, l ’ individualité  ; il s ’ ensuit que dans un seul et même être individuel (ce cheval) « l ’ entité singulière (haeccéité de ce cheval) et l ’ entité spécifique restent des réalités formellement distinctes  » . C

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