Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
décharge de leurs canons des éclairs. La peau blanche et les vêtements rouges frappèrent également. Mais ce furent le métal et les perles de verre qui les impressionnèrent… ainsi que les cloches, les couteaux, les haches de fer. En échange, les Français demandaient des anguilles et surtout des castors, une richesse inattendue. Et, lorsque la maladie toucha les Français, le scorbut en l’occurrence, les Indiens leur apprirent à se guérir en buvant de la tisane de cèdre blanc.
En fait, les différents voyages de Jacques Cartier furent une déception, car ses compagnons et lui pensaient atteindre l’autre océan en remontant le Saint-Laurent et les lacs ; et, en guise de Pacifique, ils demeurèrent dans l’intérieur des terres. De plus, ils avaient ramené en France des femmes Iroquois qui moururent au cours du voyage (1536), et leur disparition, au retour, fut un des facteurs de la méfiance nourrie envers ces Blancs qui, par ailleurs, apportaient des maladies. Des pêcheurs basques espagnols apprirent ainsi des Indiens venus au détroit de Belle-Isle pour échanger des peaux de chevreuil et de loup contre des haches et des couteaux, que plus de 35 des hommes deJacques Cartier avaient été massacrés par les Iroquois du Saint-Laurent.
Ces incidents, cette déception, cet héritage pénible expliquent qu’après cette colonisation avortée il fallut plusieurs décennies pour que de nouveaux projets s’élaborent concernant un pays où, en guise d’or et de diamants, on trouvait du quartz et de la pyrite de fer.
Une partie des Iroquois disparut de ces régions, tantôt décimée par cette arrivée, tantôt en butte aux conflits avec d’autres nations indiennes.
Pour leur part, prêtres et administrateurs français d’une part, marchands de l’autre avaient des pratiques différenciées. Alors que les commerçants approchaient les mœurs indiennes pour mieux apprécier quel type d’échanges ils pourraient nouer, les administrateurs, depuis Cartier jusqu’à Champlain, traitaient les Indiens avec arrogance ; les rapports s’envenimant au point qu’en 1629 ceux-ci aidèrent les Anglais à s’emparer de Québec.
Pendant longtemps, les marchands ne virent pas d’un bon œil les partisans d’un établissement durable ; cela leur aliénait les Indiens ; pourtant, ils changèrent d’avis lorsqu’ils comprirent qu’à peine avaient-ils tourné le dos, ou étaient-ils repartis en Europe, que d’autres marchands — Hollandais, Anglais — prenaient leur place.
Dans les îles, Pierre Belain d’Esnambouc débarque à Saint-Christophe en 1625, après un combat avec un galion espagnol. C’est bien la motivation politique qui anime Richelieu lorsqu’il aide à la formation de la Compagnie des Isles d’Amérique pour la conquête des terres occupées par les Caraïbes, mais où déjà l’Espagnol ou l’Anglais avait commencé à s’installer. En 1639, les Caraïbes de la Guadeloupe étaient exterminés, et bientôt la Martinique, la Dominique — 14 îles — occupées ; l’installation à Saint-Domingue eut lieu plus tard
Au début, il n’y a pas de véritable « politique coloniale » de la monarchie française, montre bien Jean Meyer. Après l’époque des expéditions, aux fins de trouver des richesses, le Canada demeure une terre de « prestige religieux », unepure colonie catholique à opposer aux colonies hérétiques, et, en 1609, s’adressant au futur Louis XIII, Lescarbot lui recommande de convertir les Indiens, une entreprise digne d’Alexandre le Grand, et qui vaut une croisade. Au reste, la monarchie favorise les missionnaires.
Si politique coloniale il devait y avoir, ce serait pour conquérir l’Empire espagnol ; ce qui, à l’époque de Philippe II, est évidemment un songe creux. Certes, l’attrait des produits tropicaux existe bien, d’où l’intérêt pour les Antilles, qui fournissent bientôt du tabac et du sucre, une manière d’intéresser financièrement la monarchie. Mais trop d’obstacles découragent les initiatives : la résistance caraïbe, la concurrence des flibustiers et autres rivaux, chacun se saisissant d’une « isle » — voilà qui demeure décevant pour le profit. D’un point de vue mercantiliste, ces possessions ne comptent guère ; on doit s’y maintenir toutefois, car on ne saurait laisser les « sauvages » abattre la puissance du Grand Roi.
Avec l’essor de Nantes, et bientôt de Bordeaux, la
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