Histoire du Consulat et de l'Empire
négligeable. Lui aussi use de sa demeure, en l'occurrence le château de Mortefontaine, acquis l'année précédente, pour organiser des rencontres entre les 37
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
principaux hommes politiques du temps. Surtout, il contribue à rallier à Bonaparte le groupe des Idéologues, au premier rang desquels Cabanis, Jean de Bry et Andrieux, ses collègues aux Cinq
Cents. Le premier, médecin et philosophe, était aussi un habitué du salon de Mme Helvétius à Auteuil, un des hauts lieux de la pensée libérale du temps. Le deuxième, avocat avant la Révolution, élu à la Législative, puis à la Convention, avait voté la mort de Louis XVI tout en se démarquant des jacobins, ce qui lui permit de passer ensuite au Conseil des Cinq-Cents dont il assura quelque temps la présidence. Quant à Andrieux, il était écrivain et membre de l'Institut lorsqu'il fut élu en 1798 député de la Seine au Conseil des Cinq
Cents. Ces trois hommes sont des figures marquantes du groupe des Idéologues auquel se rattache également Germaine de Staël, sans y appartenir pleinement. Or, Mme de Staël est une intime de Joseph Bonaparte qui fréquente assidûment son salon.
Le rôle des ministres du Directoire est plus ambigu. Cambacérès, ministre de la Justice depuis 1798, a connaissance du complot auquel il s'est rallié, sans pour autant lui apporter un soutien actif. Il prépare dans l'ombre les changements législatifs. Très attaché au droit, il se montre attentif à sortir le moins possible de la légalité.
Cette attitude circonspecte peut le cas échéant lui permettre de quitter le complot sans être compromis. L'attitude de Fouché n'est guère plus franche. Il reconnaît lui-même dans ses Mémoires que Bonaparte ne l'avait pas mis au courant de tous ses projets, mais il connaît l'existence du complot et, en sa qualité de ministre, aurait pu en gêner l'exécution. « La révolution de Saint-Cloud aurait échoué, si je lui avais été contraire », écrit Fouché, avant d'ajouter :
« Mes idées étaient fixées. J'avais jugé Bonaparte seul capable d'effectuer les réformes politiques impérieusement commandées par nos mœurs, nos vices, nos écarts, nos excès, nos revers et nos funestes divisions 14. » Les autres ministres partagent cette attitude attentiste mais sont plutôt favorables au coup d'État, à l'exception notable du ministre de la Guerre, Dubois-Crancé.
Les soutiens politiques n'ont donc pas manqué à Bonaparte à la veille du 18-Brumaire. Il eut aussi des appuis financiers et militaires.
Les intrigants ont besoin d'argent pour réussir dans leur entreprise, ne serait-ce que pour acheter certaines consciences, récompenser les troupes mobilisées, ou tout simplement payer l'impression des affiches et des proclamations éditées à cette occasion. La réalité de ces soutiens financiers reste encore difficile à établir, mais il apparaît clairement que certains banquiers et négociants ont apporté leur contribution au complot. Collot, fournisseur aux armées, en relations avec Bonaparte depuis la campagne d'Italie, lui aurait avancé cinq cent mille francs, Michel le jeune, également fournisseur aux armées, aurait avancé quant à lui deux, puis six millions. D'autres financiers ont été mis à contribution et l'on peut penser que la création, quelques mois après le coup d'État, de la société dite des Vingt 38
LA RÉVOLUTION DU 18 BRUMAIRE
Négociants réunis, voire la naissance de la Banque de France sont aussi un moyen de récompenser les milieux de la finance qui s'étaient montrés généreux à la veille du 18-!3rumaire et qui surtout avaient promis leur soutien après le coup d'Etat. Quant au banquier Ouvrard, ami de Barras, il a rencontré Bonaparte deux jours avant le coup d'État, mais sans que ce dernier le sollicite directement.
Toutefois, au matin du 18 brumaire, lorsque Ouvrard comprend que le coup d'État est en marche, en voyant passer Bonaparte et sa troupe sous ses fenêtres, il offre son appui financier au général.
L'aspect militaire n'en est pas moins important. Le complot doit s'assurer le soutien, ou au moins la bienveillance, des troupes stationnées à Paris et de leurs officiers. Or la densité militaire autour de la capitale est forte en cet automne 1799. Un véritable « parti des généraux » s'est en effet constitué au sein du Directoire et depuis le coup d'État de Fructidor, au cours duquel le général
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