Histoire du Consulat et de l'Empire
ils proviennent des plus irréductibles parmi les 124
LE CONSULAT À VIE
républicains et les royalistes. Ce plébiscite représente le sommet de l'adhésion populaire au régime de Bonaparte.
Ce dernier en profite pour modifier la Constitution, ce que le passage au consulat à vie ne rendait pas nécessaire. Quelques voix s'élèvent alors, parmi les brumairiens qui avaient continué à le soutenir, pour souligner la nécessité de préserver les acquis de 1789, tel le président du Tribunat, Chabot de l'Allier : « Bonaparte a des idées trop grandes, trop généreuses, pour s'écarter jamais des principes qui ont fait la Révolution et fondé la République. » Thibaudeau, alors conseiller d'État, et qui avait émis des réserves sur le projet de consulat à vie, met en garde Bonaparte contre la tentation de rétablir la monarchie : « Quel poids auront alors les hommes qui, après avoir renversé la monarchie, auront relevé le trône ? » se demande-t-il, avant de suggérer le rétablissement d'assemblées élues directement par le peuple. Ces craintes émanant d'anciens jacobins restés fidèles au principe républicain s'étaient déjà exprimées lors du vote du projet de loi en faveur de la Légion d'honneur. Elles étaient également sous-jacentes dans le débat sur le consulat à vie. Fouché par exemple, dont la fibre jacobine reste forte, voyait d'un mauvais œil la proclamation du consulat à vie, au point de faire pression sur les sénateurs pour qu'ils n'en émettent pas le vœu. C'est ainsi qu'il faut comprendre les notations sibyllines consignées dans ses Mémoires.
Évoquant les projets du deuxième consul dont il aurait été tenu écarté, il précise : « J'en pénétrai le secret et voulant agir dans l'intérêt du Premier consul comme dans celui de l'État, je donnai avec beaucoup de prudence, à mes amis qui siégeaient au Sénat, une impulsion particulière. J'avais en vue de contrecarrer ou de faire évanouir les plans concertés chez Cambacérès, dont j'augurais mal I . »
Fouché fait allusion à la préparation du consulat à vie. Il ne se trompe pas en évoquant la prudence nécessaire, puisque son attitude, au cours du mois de maj 1802, allait contribuer à sa disgrâce à l'automne suivant. Pour l'heure, le parti républicain est défait par les tenants d'une orientation monarchique du régime consulaire, conduits par Cambacérès, Roederer, mais aussi Lucien Bonaparte, revenu de son ambassade espagnole et qui a retrouvé un fauteuil de tribun en mars 1802. Il a alors pesé de tout son poids en faveur des deux textes contestés sur le Concordat et la Légion d'honneur et soutient fermement le projet de consulat à vie, avec le secret espoir de succéder un jour à son frère, alors sans enfant.
La modification de la Constitution est aussi une ultime victoire sur le camp des idéologues, puisqu'elle vise à débarrasser la loi organique des restes du projet de Sieyès que Bonaparte n'avait pu éviter en l'an VIII. Il s'agit, en effet, pour lui de mieux contrôler les organes législatifs qui, notamment dans le mode de désignation des assemblées et dans leur organisation interne, échappaient à la tutelle du Premier consul. La révision de la Constitution en l'an X
allait y remédier. Encore fallait-il ne pas froisser le Sénat, dont le 125
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
soutien était nécessaire à cette transformation. Bonaparte évite cet obstacle en renforçant ses pouvoirs. La nouvelle Constitution, élaborée au sein du Conseil d'Êtat, dès la fin du mois d'avril 1802, est achevée le 4 aoüt, lors d'une assemblée extraordinaire qui réunit les trois consuls, les neuf ministres et les présidents des sections du Conseil d'Êtat auxquels s'était joint Joseph Bonaparte. Le texte soumis au Sénat est adopté sans encombre et devient le sénatusconsulte du 16 thermidor an X, plus connu sous le nom de Constitution de l'an X. Composée de quatrevingt-six articles, répartis en dix titres, elle ne comporte toujours pas de déclaration des droits et commence de façon abrupte par ces mots : « Chaque ressort de justice de paix a une assemblée de canton. » Alors, en quoi modifiaitelle la Constitution de l'an VIII ?
2. LA CONSTITUTION DE L'AN X
Les principales modifications concernent le pouvoir législatif.
Bonaparte n'avait décidément pas apprécié la fronde parlementaire, pourtant modeste, qui avait sévi depuis le début de 1800� Le
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