Histoire du Consulat et de l'Empire
biais d'un référendum organisé à partir du mois de juin 1804. Les électeurs n'ont à se prononcer que sur la naissance d'un régime héréditaire, pas sur l'ensemble de la Constitution. Les résultats proclamés en novembre par le Sénat font état de 3 572 329 oui et 2 579 non. En réalité les chiffres ont été gonflés, comme en l'an VIII, mais dans une proportion moindre, pour donner l'impression d'une progression par rapport au plébiscite de 1802 sur le consulat à vie. En fait, plus de la moitié des électeurs se sont abstenus. Le corps électoral n'est donc pas unanime pour approuver la naissance d'un régime héréditaire confié à Napoléon. Quelques rares voix s'élèvent même contre cette évolution monarchique, à l'instar de La Fayette. Ces réticences, visibles ·surtout au travers des abstentions, expriment sans doute des craintes face à l'abandon des principes révolutionnaires, mais aussi face à la reprise de la guerre et aux inquiétudes qu'elle fait naître en France. De toute manière, comme en l'an VIII, on n'a pas attendu le dépouillement des résultats pour mettre en place le nouveau régime.
Le passage du consulat à vie à l'Empire ne provoque pas de révolution. Dans les faits, la monarchie était déjà instaurée en France ; il se traduit cependant par quelques décisions dont l'adjonction manifeste la volonté de Napoléon d'agir en souverain, décidant et jugeant de tout dans le pays. En matière de justice, il use de son droit régalien pour gracier Moreau, condamné à deux ans de prison Rour ses liens avec Cadoudal et Pichegru ; Napoléon l'exile aux États-Unis. L'Empereur décide aussi d'accorder sa grâce à sept condamnés à mort, d'origine noble, dont Armand et Jules de Polignac, qui iront croupir dans les prisons d'État. En revanche, Cadoudal et douze de ses comparses sont exécutés le 28 juin 1804.
L'opinion retient cependant le geste de clémence du nouveau souverain. Napoléon fait savoir qu'il peut se montrer magnanime, même 150
L'ANNÉE DU SACRE
lorsque l'on complote contre sa personne. Il le peut d'autant mieux que sa succession est désormais assurée. Sur le plan gouvernemental, les changements sont également sensibles. Le plus notable concerne le rétablissement, le 10 juillet 1804, du ministère de la Police générale confié à l'inévitable Fouché. Ce dernier ne s'était jamais désintéressé de ce domaine, gardant des contacts dans le milieu du renseignement. Ses réseaux qui l'avaient informé du complot fomenté par Cadoudal sont de nouveau prêts à fonctionner.
Fouché bénéficie en la circonstance de la faiblesse des services de police, mise au jour à l'occasion de la conjuration Cadoudal
Pichegru, mais aussi du rôle joué dans la proclamation de l'Empire.
Le même jour, Napoléon crée un ministère des Cultes, confié à Portalis qui occupait déjà le poste de directeur des Cultes. Le changement est minime, mais la montée en puissance de ce secteur est à rapprocher de l'évolution monarchique du régime : l'Empire compte sur la religion pour s'enraciner. En outre, Portalis n'a jamais voilé son attachement au principe monarchique. Un mois plus tard, le 8 août 180�, le ministre de l'Intérieur Chaptal est remplacé par Champagny. A un brumairien, fidèle de Bonaparte, succède un néomonarchiste� issu de la noblesse d'Ancien Régime qu'il avait représentée aux Etats généraux. Cet ancien officier de marine, devenu conseiller d'État, puis ambassadeur de France en Autriche, est un proche de Lebrun ; il symbolise la volonté de rallier les représentants de l'ancienne France au régime. Pour le reste, les ministres du Consulat conservent leur place. C'est donc par d'autres signes que le passage à l'Empire se matérialise.
2. LES SYMBOLES DE LA MONARCHIE IMPÉRIALE
L'Empire a besoin de symboles pour s'enraciner dans les esprits et s'imposer au peuple. Il se doit tout d'abord de rompre avec le régime précédent, tout en recherchant ses origines dans l'histoire.
La mise en scène du pouvoir est aussi un des éléments déterminants de la stratégie employée par Napoléon pour consolider son régime.
Même si la République n'est pas officiellement abolie en 1804, elle s'efface progressivement. Le nouveau régime cesse ainsi de célébrer les deux fêtes républicaines du 1er vendémiaire, jour anniversaire de la proclamation de la République en 1792, et surtout du 14 juillet qui est célébré pour la dernière
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