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Histoire du Japon

Titel: Histoire du Japon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Sansom
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malheur. Une forme très simple d’abstention consistait à rester chez soi, à ne rien faire, à ne recevoir aucune visite, à n’entrer dans aucune discussion. Cette façon de se tenir à l’écart des influences néfastes était relativement rationnelle étant donné la cosmologie de l’époque, et elle avait en outre l’avantage d’offrir aux hommes d’État trop occupés et aux sybarites fatigués une excellente excuse pour se retrouver seuls.
    Pour ceux qui ne pouvaient se retirer du monde et rester à l’abri de leur chambre à coucher, éviter de prendre une mauvaise direction était beaucoup plus délicat. Ici intervenaient diverses considérations importantes, résumées sous le terme de « katatagae », qu’on peut traduire par « changement de direction ». Il fallait à certains moments se prémunir contre la catastrophe qui pouvait résulter du fait de traverser la route qu’empruntaient certains dieux ou esprits dont les déplacements étaient réguliers et pouvaient être prédits avec exactitude par les maîtres de l’astrologie et autres sciences du genre. Ainsi, le dieu Hitohimeguri prenait chaque jour l’une des huit directions, et il était défavorable (« nefas ») pour un homme ou une femme de se déplacer dans ce sens et de gêner ainsi le mouvement normal du dieu en question.
    D’autres divinités occupaient à certains moments certains points de l’espace, qu’il fallait de même soigneusement éviter. Parmi toutes ces puissances, la plus dangereuse était peut-être celle dont on devait se protéger tous les soixante jours du calendrier, notamment le jour du Singe du cycle sexagésimal. On ne pouvait le faire qu’en veillant toute la nuit hors de chez soi, sans aller dans aucune direction et en prenant soin de rester dans un endroit « neutre 24  ». On trouve un exemple particulièrement bien choisi de cette forme de superstition dans le journal intime d’un courtisan en date du 3 mars 1104.
    « Ce soir-là, écrit-il, Sa Majesté [l’empereur cloîtré Shirakawa] devait observer un changement de direction [katatagae]. Elle se rendit donc dans le voisinage de la porte de Gojô, pour y rester dans sa voiture jusqu’au chant du coq, avant de rentrer au palais. […] C’est pour cette raison que, le lendemain matin, elle dut aller faire ses dévotions dans la direction de Hitohimeguri. »
    On voit donc que l’empereur, malgré son origine divine, était contraint de se soumettre à des divinités mineures, issues d’une chimérique théogonie chinoise.
    Le choix du moment propice aux cérémonies, comme aussi à des actes plus simples et plus quotidiens, était une question de première importance, qui requérait l’avis de spécialistes. Le Nakatsukasa, principal ministère de l’État, comprenait un dép ar tement spécial, l’ommyô-ryô ou bureau du yin-yang, avec un personnel choisi de maîtres et de docteurs en divination et en astrologie, dont l’usage était réservé à la cour. Pour fixer la date d’un voyage, pour organiser un mariage ou quelque autre entreprise, les particuliers consultaient quant à eux des praticiens privés des arts occultes. Des édits très anciens mettent la population en garde contre les abus que leur pseudo-pou-voir magique entraîne ces derniers à commettre, et il est évident que le poids de ces superstitions pèse comme un lourd nuage sur la vie médiévale.
    A côté des mesures préventives que l’on vient de décrire, il était très courant de recourir aux exorcistes pour guérir le malade. Il s’agissait en général, mais pas nécessairement, de moines bouddhistes d’une secte tantrique, et l’exorcisme revêtait d’ordinaire une forme religieuse. Mais cette pratique appartenait à une tradition de magie et de sorcellerie qui remontait à un lointain passé, bien avant que l’influence bouddhique n’eût touché le Japon, et si elle avait quelque chose de chinois, ce n’était qu’en vertu de certains éléments venus s’ajouter par la suite. A la base, elle était indigène, ou peut-être serait-il plus juste de dire chamaniste, et elle avait selon les circonstances pris une tournure confucéenne, bouddhique ou shintoïste. Mais elle était extrêmement ancienne et très profondément enracinée, puisque les premiers récits chinois concernant la vie au Japon parlent des pouvoirs magiques de la « reine du Wa », qui était une grande enchanteresse.
    Les aristocrates de Heian restaient très

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