Histoire du Japon
système social. Au Japon, les règles du culte familial et tribal étaient extrêmement simples, et la simplicité, voire l’austérité, devint en réalité l’un des traits marquants du shinto extrêmement élaboré des époques plus tardives. Elles consistaient à prononcer des mots ou accomplir des gestes d’invocation suivant un rituel élémentaire de purification, comme de lancer de l’eau en pluie (« misogi ») ou d’agiter des branches (« sakaki ») ou des baguettes (« nusa »). Ce cérémonial se déroulait à l’extérieur, et il n’y avait ni temple ni aucun édifice sacré permanent, mais uniquement un petit coin de terre purifié pour l’occasion ou jouissant d’une importance traditionnelle – par exemple le site d’une tombe ancestrale ou d’un arbre, d’une pierre, considérés comme possédant une qualité particulière de sainteté.
Il y a des traces de sacrifices humains dans les premiers mythes et légendes, et certaines figures d’argile trouvées dans les tombes sont censées remplacer les serviteurs qui devaient être enterrés avec leur maître, selon une coutume qui, d’après la chronique, fut abolie vers l’an 3 de notre ère, mais dont les registres chinois mentionnent encore la pratique au Japon en 247. Le sacrifice d’animaux (généralement des bœufs) est signalé dans les chroniques jusqu’au vue siècle, mais il semble qu’à l’époque, on y voyait déjà une pratique anormale ; d’ailleurs, elle était contraire à l’enseignement du bouddhisme. La pratique normale (et, semble-t-il, orthodoxe) voulait certainement qu’on choisît pour offrandes des céréales, des fruits et des légumes, mais parfois aussi des volailles et du poisson crus. Rien de ce qui pouvait répandre du sang n’était autorisé, car le sang était polluant, et sacrifier des animaux en leur tranchant la gorge était de ce fait incompatible avec le strict idéal de pureté shintoïste.
Les premières relations écrites donnent la description de cérémonies quasi nationales, telles que la prière du printemps pour de bonnes récoltes, l’action de grâce pour la moisson d’automne et les Grandes Purifications de l’été et de l’hiver. Elles comprenaient un rituel élaboré pratiqué au nom du souverain par des officiants qui étaient parvenus à la pureté par le jeûne et par d’autres formes d’abstinence. Ils récitaient alors des prières dans une langue prescrite pour chaque occasion. Sinon toutes, certaines du moins de ces fêtes devaient avoir pour origine le culte populaire, et celles qui avaient trait aux semailles et à la moisson descendaient sans doute des rites élémentaires pratiqués par les paysans et par leurs familles ; mais leur liturgie telle que les chroniques plus tardives nous l’ont conservée est une version hautement élaborée des thèmes primitifs.
Cette remarque est également vraie pour les deux chroniques nationales qui retracent la genèse des îles du Japon, la vie des dieux, la fondation de la maison impériale et l’histoire de l’Empire jusqu’en l’an 701. Il s’agit du Kojiki, ou Livre des événements anciens, et du Nihon shoki (également connu sous le nom de Nihongi), ou Annales du Japon. Ils ont un côté littéraire nécessairement artificiel, car ils ont été modelés sur les chroniques chinoises, dont ils ont emprunté l’écriture même ainsi qu’une partie du vocabulaire. En outre, ils ont – partiellement du moins – été composés pour légitimer et glorifier la dynastie régnante. De ce fait, ils contiennent de nombreuses inventions et déformations en ce qui concerne à la fois le mythe et l’histoire, et ils fourmillent d’inconséquences, si bien qu’une lecture rapide donne l’impression qu’ils n’ont guère de valeur. Toutefois, on aurait tort de les éliminer sous prétexte qu’ils sont inexacts, car les éléments dont ils sont composés appartiennent souvent à la tradition authentique, et même là où ils sont visiblement confus ou contraires à la vérité, les expédients auxquels ils ont recours éclairent sinon la suite des événements, du moins les idées et desseins animant les compilateurs. Ces deux ouvrages constituent donc une précieuse mine de renseignements sur la nature de la société japonaise et le développement de sa pensée avant que le pays ne soit exposé de plein fouet à l’influence chinoise, soit en gros avant l’an 500.
En dépit des défauts qu’ils
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