Histoire du Japon
considérée comme obéissant à l’exemple de la vie des dieux, ce qui explique peut-être le nombre énorme de personnages divins de moindre importance si souvent mentionnés dans le mythe. Ce sont, pourrait-on dire, les sujets du royaume céleste, dont les grands dieux comme Amaterasu-ômikami sont les souverains et les ministres.
Cette légende, ou plutôt le cycle entier auquel elle appartient, était sans doute censée démontrer que, bien que Susanoo fût un dieu ingénieux et puissant, les crimes qu’il a commis devaient finir par lui valoir un châtiment bien mérité. On nous dit que lui et ses descendants avaient reçu en partage le gouvernement de la Terre (c’est-à-dire du Japon et en particulier de la province d’Izumo), mais finalement, après des aventures et débordements de toutes sortes, il disparaît. Il revient plus tard sous les traits de l’« abominable et capricieuse divinité des Enfers », qui désigne pourtant l’un de ses descendants comme souverain du Japon.
Cette histoire confuse mais vivante, ici très abrégée, s’inspire évidemment d’un ancien conflit politique, au cours duquel les chefs de clan d’Izumo que nous avons vus conduire leurs gens sur la côte nord-ouest de l’île principale durent finalement abandonner leur prétention à gouverner l’ensemble du Japon. Manifestement, nous arrivons ici à l’endroit où le mythe des ancêtres divins commence à fusionner avec la légende des premiers souverains, ceux qui gouvernèrent d’abord (semble-t-il) au Kyüshü, puis ceux du Yamato.
L’histoire de la dispute pour la souveraineté du Japon (qui, à l’époque, s’étendait du Kyashü en direction de l’est jusqu’au Yamato) revêt tant d’importance dai s cette mythologie, et les actions de Susanoo sont si abondamment décrites, que nous pouvons sans risque en conclure que les chroniqueurs estimaient essentiel d’appuyer les droits des souverains du Yamato en en faisant le fruit de la volonté suprême de la déesse du Soleil, et en montrant par la même occasion que Susanoo n’était pas digne d’un semblable héritage. On raconte d’ailleurs que, son impureté lui ayant interdit de défendre ses propres droits, il regagna les régions inférieures. Il fut convaincu de se retirer par la promesse d’un sanctuaire où il pourrait être adoré, et c’est là l’origine du grand sanctuaire d’Izumo, à Kizuki, dédié à son descendant Ö kuni nushi (le Maître de la Grande Terre), et qui, par l’importance, est le second lieu saint du Japon, le premier étant celui de la déesse du Soleil à Ise.
Il ressort assez clairement de cette légende que le processus d’unification commencé au Kyüshü par le Pays de la Reine rencontra de grandes difficultés, parmi lesquelles la puissante personnalité du chef de l’Izumo, dont l’équivalent mythique est le dieu des Tempêtes, ne fut certainement pas la moindre. Il est évident que les souverains du Yamato se sentirent obligés de partager avec l’Izumo le pouvoir sacré sinon séculier, et il est significatif que, dans la légende, le dieu de Miwa, assimilé au souverain déchu de l’Izumo, continue à réapparaître et doive être apaisé. La puissance matérielle de l’Izumo était limitée, car le pays est relativement pauvre en terres fertiles et peu favorisé par le climat, quoique les hautes régions de cendre volcanique comprennent des pâtures et produisent une certaine quantité d’argent, d’étain et de cuivre depuis les temps anciens. Il se peut que ceux qui s’y installèrent aient joui d’un prestige spécial du fait qu’ils étaient étroitement liés avec les souverains coréens, et, du point de vue culturel, plus avancés que leurs rivaux. D’après certaines versions de la légende, Susanoo visita la Corée et s’intéressa aux métaux et au bois de construction navale. Les relations traditionnelles de l’Izumo avec la Corée sont en outre attestées par les fermes, très proches de celles du sud coréen, qu’on trouve dans diverses parties de la région.
Tout cela, et bien d’autres choses, indique des rapports très étroits, et en fait un mélange, entre les habitants de la Corée du Sud et ceux de l’ouest du Japon. Toute une partie du folklore japonais est d’ailleurs manifestement d’origine coréenne. Par exemple, dans l’ouvrage intitulé Izumo fudoki (une étude topographique rédigée en 733), on trouve un récit légendaire des origines du peuple de
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