Histoire du Japon
des faveurs aux moines et aux nonnes.
On comprendra que, par cet acte, le bouddhisme était pratiquement adopté comme la religion de la cour, même si on ne reniait pas en tant que rite le culte des dieux nationaux. Dans ces conditions, le pouvoir des principaux ecclésiastiques bouddhistes était évidemment très grand, et c’est alors qu’on vit des prêtres sans scrupules s’efforcer d’exercer une influence indue sur les dames du palais. L’histoire du genre la plus célèbre est celle d’un vigoureux et beau moine appelé Dôkyô, qui fit tant d’impression sur l’ex-impératrice Kôken qu’il fut bientôt nommé chancelier du royaume, et parvint presque à se faire désigner comme successeur au trône.
De pareilles prétentions ne pouvaient qu’irriter les membres du gouvernement et autres personnages influents à la cour, à commencer par les représentants de la famille Fujiwara. Descendants du grand Kamatari qui avait été le principal auteur de la réforme de 645, ils s’étaient taillé une puissante position politique grâce à leur talent naturel et à leur habitude de marier leurs filles à des princes impériaux. Fubito, fils de Kamatari, était une importante figure de son époque (659-720), mais le clan avait été durement éprouvé par la mort de ses quatre fils, victimes de l’épidémie de variole de 737, si bien que pendant quelques années le moine Dôkyô n’eut guère à s’inquiéter du principal Fujiwara, Nakamaro, mieux connu sous son futur nom de ministre, Oshikatsu, en faveur auprès de l’empereur Junnin mais non de l’ex-impératrice. Lors des troubles intérieurs de 764-765, Oshikatsu fut pris et tué, et le jeune empereur, déposé et exilé en 765, vraisemblablement étranglé. L’ex-impératrice remonta sur le trône sous le nom de Shôtoku, grâce à quoi Dôkyô fut tout-puissant jusqu’au moment où elle mourut, sans descendance, en 770. Puis la famille Fujiwara veilla à ce qu’il fût banni, et le trône échut à un aimable petit-fils de Tenchi, qui devint l’empereur Kônin (770-781). A sa mort, le Conseil des ministres refusa de laisser une femme prendre sa succession, créant ainsi un précédent qui fut régulièrement suivi jusqu’à l’époque moderne. Il porta son choix sur le fils aîné de Kônin, le prince Yamabe, qui régna sous le nom de Kammu et figure dans l’histoire parmi les souverains les plus capables de la longue lignée impériale. Ce fut durant son règne que le gouvernement quitta Nara, en partie – suppose-t-on d’ordinaire – pour échapper à l’influence de l’Église bouddhique.
Si la chronique de la période qui suit la concrétisation des réformes est déparée par les querelles de succession que nous avons signalées, il faut dire que celles-ci furent essentiellement l’œuvre de nobles mécontents, opposés aux nouvelles mesures, et que, face à de grandes difficultés, l’administration paraît avoir fait de son mieux pour mener une politique constructive dans bien des domaines.
Durant les règnes précédents, des efforts avaient été faits pour repousser la frontière plus au nord et à l’est, et pour pacifier ou soumettre les Aïnous, qui étaient une source de troubles permanents et un obstacle à l’ouverture de nouveaux territoires, devenue une nécessité avec l’augmentation de la population et l’insuffisance des rizières disponibles dans les provinces intérieures (la plaine du Yamato). Au cours des premières décennies du vine siècle, des soulèvements aïnous causèrent bien des ennuis au gouvernement central, qui était loin de contrôler les provinces extérieures. En 720, le désordre était tel qu’il fallut lever des troupes dans neuf provinces en vue d’une offensive contre eux, et ce n’est qu’après d’âpres combats qu’un poste frontière put être établi à Taga, près de l’actuelle Sendai, où l’on plaça une puissante garnison pour les tenir en échec. L’ambitieux Fujiwara Nakamaro, devenu Oshikatsu, nf resta pas inactif une fois au pouvoir. Il s’occupa tout particulièrement des affaires militaires, et lorsqu’il devint chancelier, il fit le projet de construire une ligne de forts dans les provinces septentrionales du Mutsu et du Dewa, afin qu’on eût des bases d’opération contre les aborigènes rebelles. Cependant, son plan ne réussit pas, car les Ebisu étaient des combattants irréductibles, et pendant des années encore après l’époque
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