Histoire du Japon
sa consommation, mais assez d’autres céréales ou légumes. En plus de cet impôt, diverses contributions devaient fournir à l’entretien des relais de poste et au transport des impôts payés en nature dans les magasins officiels. Il y avait également une taxe à verser sur la vente des articles fabriqués par les paysans ou de certains produits locaux comme les fruits et le poisson ; enfin, il fallait occasionnellement contribuer au coût de divers travaux d’entretien. Ces impôts cumulés étaient moins onéreux dans les domaines du bakufu que dans les fiefs des daimyô indépendants, mais la perception de l’impôt de base était uniforme dans tout le pays.
Pour améliorer leur système de taxation, les daimyô de certains fiefs imposèrent de nouvelles limites à la liberté des paysans. Ainsi, en 1643, la vente ou l’hypothèque de terres furent interdites pour empêcher les paysans non seulement de vendre leurs droits et d’émigrer en ville, mais aussi de créer des exploitations jugées trop petites. Un ordre ultérieur (1673) interdit par ailleurs le morcellement des terres en décrétant qu’un exploitant devait garder un ou deux chô, ou une surface qui produisait de 10 à 20 koku. Aux taux de production habituels, diviser une exploitation de moins d’un chô ne pouvait manquer d’attirer des ennuis aux deux parties.
Les paysans étaient soumis à des restrictions accablantes. Ils ne pouvaient pas changer d’occupation. A la recherche d’un emploi ou pour assister à un mariage, ils ne pouvaient pas voyager hors de leur district sans avoir obtenu un certificat de leur sanctuaire paroissial. Ceux qui ne réussissaient pas à payer le montant convenu d’impôts étaient parfois très rudement traités, et il n’était pas rare que le chef du village soit considéré comme responsable et détenu comme otage. Ses biens pouvaient être confisqués et sa personne soumise à la torture 242 . Dans l’un de ses mémoires au daimyô de Bizen, Kumazawa Banzan écrivait : « Naturellement, les paysans cachent leur riz, sachant qu’en toutes circonstances ils seront cruellement traités. » Il voulait dire par là que la cruauté n’avait d’autre effet que de susciter une réaction désespérée ; et il est vrai que, avec l’amélioration de l’administration des fiefs (peut-être sous l’influence de l’enseignement confucianiste), ces méthodes de violence furent abandonnées. Mais d’autres formes de pression les remplacèrent.
L’une des victimes de l’oppression était le chef du village (nanushi ou shôya). L’exemple classique en est celui de Sakura Sögorö, chef de village qui présenta une requête directe au shôgun pour protester contre les mauvais traitements infligés aux paysans par le daimyô Hotta Masanobu. La requête fut entendue, mais le crime d’avoir approché le palanquin du shôgun fut puni par l’exécution de Sögorö, de sa femme et de leurs enfants. Il y a sans doute dans cette histoire, qui fait une pièce émouvante, plus de légende que de vérité. Mais il y a de nombreux exemples authentiques de révolte contre les impôts et autres contributions.
Ces protestations se traduisaient généralement par des manifestations de masse, parfois accompagnées de violence. Il y en eut un exemple en 1641, pour protester contre le relevé foncier. Pour crime de résistance dans le fief (uwajima), sept chefs furent exécutés. Il y avait aussi de nombreux soulèvements chez les paysans des échelons inférieurs, mais c’était d’ordinaire des affaires modestes, réglées sans grande difficulté. La forme d’opposition la plus efficace n’était pas une menace de violences, mais la désertion planifiée de villages. Les travailleurs agricoles de deux ou trois villages, ou même davantage, quittaient alors leurs champs et se disséminaient dans la nature. Ensuite, ils adressaient une requête au daimyô, disant que, si leurs demandes n’étaient pas satisfaites, ils quitteraient tous la terre. En général, ces manifestations n’étaient pas punies aussi longtemps qu’elles suivaient la filière normale. Un bon exemple est le cas du fief d’Obama (dans le Wakasa), où, en 1652, le chef (shôya) Matsumoto Chösö demanda obstinément la réduction d’impôts que réclamaient ses villageois. La réduction fut accordée, mais lui-même fut exécuté.
Les protestations de ce genre restaient souvent sans résultat du fait qu’elles n’avaient pas un
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