Histoire du Japon
une modeste terre de quelque deux hectares menaient une vie assez agréable, sans grandes difficultés, surtout à partir du tournant du siècle, avec l’augmentation et la diversification de la production. C’est du travailleur pauvre et de sa patiente épouse, qui besognaient de l’aube au crépuscule, dont on peut vraiment dire qu’ils portaient un fardeau accablant.
On peut se demander pourquoi de récentes études contredisent ou tempèrent les récits parlant de la misère des paysans. Dans les années 1920, les historiens japonais subirent l’influence du vent quelque peu fugitif de libéralisme, et se montrèrent ainsi enclins à prendre le parti du paysan contre le capitalisme. Il y avait des documents à l’appui de cette vision des choses, mais les recherches faites ultérieurement ne l’ont pas confirmée sous tous ses aspects 244 .
CHAPITRE LVI
La vie citadine
LA CROISSANCE DES VILLES
Parallèlement au développement des communautés rurales se produisit un accroissement notoire du nombre et de la taille des villes, surtout durant la seconde partie du XVIIe siècle. Jusqu’à la fondation du bakufu d’Edo, le Japon avait été un pays sans cesse en mouvement. De grandes armées étaient toujours en marche à travers le pays. Puis, quand vint la paix avec la chute du château d’ösaka, la vie prit une tournure plus sédentaire. De petites communes furent créées le long des grandes routes, maintenant parcourues par des colporteurs et par des officiers en tournée d’inspection, et, rarement, par des hommes armés quand passait le cortège d’un daimyô montant à Edo.
Le bakufu et les daimyô s’étaient convertis aux arts de la paix. Ils avaient avant tout le désir, ou plutôt la volonté, d’augmenter leur puissance en encourageant les entreprises lucratives au sein de leurs domaines respectifs, et de ce fait, la ville-château (« jôka-machi ») tendait à devenir un centre commercial aussi bien que politique.
La population des villes-châteaux était fonction des revenus des fiefs. Edo, bien sûr, était la ville-château par excellence, et, par la taille, elle était suivie par les capitales des grandes baronnies – Nagoya, Sendai, Fukushima, Kumamoto, Wakayama, Shizuoka (Sumpu), Kagoshima, Fukuoka et Kanazawa –, qui, vers la fin du XVIIe siècle, avaient toutes un revenu de 500000 koku au moins. Puis, par l’importance du revenu, venait un groupe de fiefs de 200000 à 500000 koku, dont les capitales étaient Tsu, Fukui, Kôchi, Hiroshima, Hikone, Okayama, Kurume, Mito, Kôfu, Tokushima et Saga. Enfin, il y avait une centaine de villes-châteaux dans des fiefs dont les revenus allaient de 50000 à 200000 koku.
A la fin du siècle, Nagoya comptait 63000 habitants, chiffre correspondant approximativement au dixième de celui de son revenu, qui était de 620000 koku. En gros, cette proportion était valable pour la plupart des villes-châteaux. Ainsi, dans un fief de 150000 koku, Himeji avait après 1700 une population voisine de 15000 habitants. Vers 1700, celle d’Ogaki, capitale d’un fief de 100000 koku, était tombée à moins de 6000.
Des fiefs en général, on peut dire que leur administration était de caractère conservateur et tendait à apporter au commerce et à l’industrie des restrictions qui empêchaient le plein épanouissement des villes-châteaux, favorisant ainsi le développement d’autres centres urbains. De ce fait, dans la plupart des villes-châteaux, la population était stationnaire ou sur le déclin dans les dernières années du siècle. Les villes-châteaux des fiefs de moins de 50000 koku ne pouvaient pas nourrir une population nombreuse. Pour prendre un cas extrême, Ueda, dans le Shinshü, avait en 1665 une population de 2600 habitants seulement, et celle-ci tendait à diminuer. Il faut se rappeler que la position de nombreux daimyô répondait à des besoins stratégiques et n’était pas nécessairement favorable au commerce. Lorsque les villes-châteaux étaient bien situées, elles pouvaient attirer des marchands de détail et de gros, qui obtenaient des monopoles et autres privilèges des daimyô et créaient, dans la ville et le voisinage, des centres commerciaux ; mais les petits fiefs ne pouvaient fournir aux besoins d’une nombreuse population à moins de disposer d’un produit particulièrement précieux. S’ils ne vivaient que de l’agriculture, ils étaient d’ordinaire économiquement faibles. Un fief estimé à
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