Histoire du Japon
appui assez unanime de la part des villageois ; mais à la fin du XVIIe siècle, le paysannat était plus conscient de sa puissance, et, comme on l’a vu, il lui arrivait de manifester avec une telle force que ses daimyô étaient réprimandés par le bakufu à cause de leur mauvaise administration.
LES PROGRÈS DE L’AGRONOMIE
Les progrès accomplis par l’agriculture au XVIIe siècle sont saisissants. La superficie cultivée passa d’environ 1600000 à environ 2900000 chôbu, et la production d’environ 18 millions à 25 millions de koku.
C’est durant la deuxième partie du siècle que le changement fut le plus rapide. Il fut rendu possible par l’organisation des exploitations par les hon-byakushô, et par l’inlassable culture intensive encouragée et, en fait, exigée par le bakufu et les daimyô. Le défrichement de nouvelles terres se trouva facilité grâce à des techniques nouvellement acquises, appliquées à des travaux tels que l’achèvement de canaux d’irrigation des eaux supérieures du Tamagawa (1655) et du lac de Hakone (1670) vers les exploitations nouvelles de la grande plaine du Kantô 243 . Cet accroissement notable de la surface des terres cultivables s’accompagna d’importants progrès en agronomie, notamment l’expansion de la mise en culture bisannuelle, l’amélioration des instruments de travail, et des engrais meilleurs et plus abondants. Des moulins pour faire monter les eaux d’irrigation et divers systèmes mécaniques pour épargner du temps et du travail au moment du battage et d’autres opérations vinrent ajouter au rendement de la plupart des exploitations.
En plus de ces améliorations de base, les paysans réalisaient certains profits en vendant des produits autres que les céréales et les légumes. Ils cultivaient du coton, du tabac, des plantes oléagineuses, de la cire végétale, de l’indigo et des mûriers pour les vers à soie. Ces gains supplémentaires étaient jadis découragés par les autorités, centrées sur la production de nourriture ; mais l’esprit d’entreprise en vint à être considéré avec faveur tandis que les daimyô se mettaient à rivaliser dans le domaine du commerce.
L’élévation du niveau de vie est attestée par l’approvisionnement régulier des villes en délicatesses venues des campagnes, oranges de Kishû, raisins de Köshü, melons et autres fruits ou légumes venus des provinces chaudes. Comme on l’a vu, la production de riz permet d’estimer la population, un koku de riz ou d’un équivalent de riz étant considéré comme la consommation moyenne par habitant. Pour le XVIIe siècle, on ne dispose pas de recensements valables, mais le chiffre de 27 millions, donné pour 1721, peut être considéré comme relativement précis (bien qu’il ne comprenne pas certaines catégories, soit les samurai et les personnes sans classe). On peut ainsi conclure que 25 millions constituent une estimation raisonnable de la population en 1700. Quant aux causes immédiates de cette augmentation rapide, on ne peut que les imaginer. Après 1615, le pays vécut en paix, et le bakufu comme les daimyô purent s’occuper d’améliorer leur situation économique. Dans l’ensemble du pays, l’expansion de l’agriculture s’accompagna d’un grand essor de l’activité marchande dans les villes, notamment les plus populeuses, comme Osaka, Kyoto et Edo, capitale du shôgun. L’élévation du niveau de vie – une nourriture meilleure et plus abondante et une plus grande sécurité de l’emploi – contribua sans aucun doute à élever le taux des naissances.
Mais il est extrêmement difficile de distinguer ici entre cause et effet ou entre demande et offre. L’accroissement de la population ne peut être imputé seulement aux méthodes nouvelles. Elle était, en partie du moins, due à l’expansion du trafic et du commerce dans l’ensemble du pays, expansion qui ne pouvait qu’influencer les régions arriérées en les intégrant dans le système national. On peut trouver certaines explications dans un ouvrage intitulé Nôgyô zensho (le Manuel du paysan), écrit en 1696. C’était le premier traité pratique vraiment important sur l’agriculture, bien qu’il existât plusieurs ouvrages théoriques qui faisaient remonter sa fondation aux dieux et aux sages, tout comme on peut faire remonter l’invention de l’horticulture à Adam et Eve. Le Nôgyô zensho était un livre sérieux, écrit par un homme
Weitere Kostenlose Bücher