Histoire du Japon
incendie de Meireki, qui détruisit plus de la moitié de la ville ainsi qu’une partie du château. Ce n’est donc que bien avant dans le xviii « siècle, après qu’on l’eut agrandie et entièrement reconstruite, que sa population atteignit un demi-million d’habitants, ou même près d’un million si l’on compte les familles militaires.
Par nature, c’était un centre de commerce de gros et de détail à grande échelle, et les marchands du Mikawa et du Tôtômi, provinces jadis gouvernées par Ieyasu, furent parmi les premiers à s’y installer après les familles guerrières et leurs gens. Puis vinrent des habitants de l’Omi, de l’Ise et d’ôsaka, qui ouvrirent des marchés pour leurs propres produits. Ainsi, le commerce se mit à prospérer, son essor étant encore favorisé par les marchandises qu’y amenaient les navires au long cours et les « tarubune 246 ». Les produits les plus demandés étaient le riz, le miso, le charbon de bois, le sel, le saké, le soja, les cotonnades et la mercerie. Ce commerce de gros et de détail exigeait beaucoup de capital, en sorte que les prêteurs et les courtiers faisaient des affaires florissantes. Avancer de l’argent aux daimyô, mais aussi aux hatamoto et aux go-kenin en échange du riz qu’ils touchaient en guise de pension constituait une activité particulièrement lucrative. Les grands marchands d’Edo, comme Naraya Monzaemon et Kinokuniya Banzaemon, spéculaient sur les matériaux de construction, très demandés dans une ville en pleine expansion et souvent ravagée par le feu 247 . Ils accumulèrent d’importantes fortunes en partie grâce au rôle qu’ils jouèrent dans les entreprises gouvernementales, mais aussi à l’habileté dont ils surent faire preuve en saisissant les occasions de gagner de l’argent.
L’habitant moyen d’Edo était très différent. Selon le romancier Saikaku, c’était un jobard sans aucune prévoyance, donc porté à conclure de mauvaises affaires. Les marchands d’ôsaka disaient volontiers des gens d’Edo qu’ils étaient comme des enfants et ne comprenaient rien à l’argent. Ils étaient sans doute peu enclins à l’épargne. Du reste, Edo était une ville où l’on dépensait volontiers, et où les boutiquiers pouvaient réaliser de beaux bénéfices. La famille Mitsui, qui avait fait fortune à Ise, s’enrichit encore en ouvrant d’importants magasins de drap, comme le célèbre « Echigoya », où, abandonnant le marchandage habituel, on vendait à prix fixe une grande variété de cotonnades. Soucieux d’attirer une nombreuse clientèle, les Mitsui faisaient beaucoup de publicité et vendaient volontiers de petites quantités aux acheteurs les moins fortunés. Ainsi, leurs établissements peuvent être considérés comme les précurseurs des grands magasins actuels. Concurrent de l’Echigoya, l’« Iseya » ouvrit des succursales dans tous les quartiers de la ville.
La prospérité de ces établissements atteste un accroissement de la population. Les daimyô installés à Edo, les samurai qui composaient leur suite et tout le personnel qu’ils employaient comptaient sans doute parmi les clients les plus dépensiers. Plus nombreux encore étaient les serviteurs employés à Edo pour travailler à l’intérieur comme à l’extérieur, non seulement par les hatamoto et les go-kenin, mais aussi par les fonctionnaires grands et petits au service du gouvernement central et municipal. Des paysans et autres travailleurs campagnards, attirés par de bons salaires, ne cessaient d’affluer dans la ville, où il y avait sans doute une importante population de voyageurs en provenance de toutes les provinces, comme en témoigne le nombre d’auberges et de restaurants prévus pour eux.
Toutefois, l’augmentation de la population d’une ville dépourvue d’industries importantes est difficile à expliquer, même s’il est évident qu’elle exerçait une grande attraction. Les jeunes gens des provinces de l’Est et du Nord étaient sans doute nombreux à souhaiter trouver du travail dans la capitale, et parmi les milliers de voyageurs qui empruntaient la Tôkaidô (route côtière orientale) pour le compte des marchands des provinces du Centre ou en quête d’un emploi bien payé, beaucoup devaient avoir décidé de rester à Edo.
La grande augmentation de la production agricole qui eut lieu au tournant du siècle aurait du, à première vue, s’accompagner d’une demande
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