Histoire du Japon
communauté marchande de la première et de la deuxième période. Au cours de la première période, les grands marchands étaient des membres prospères de familles respectables, qui occupaient avec dignité les fonctions d’anciens de la ville (toshiyori). Cependant, Osaka se développant grâce aux améliorations apportées dans le domaine des transports, améliorations que nous étudierons plus loin, un changement se produisit dans le caractère de ses habitants. Une nouvelle classe commerçante apparut, que Saikaku décrit comme suit dans son Eitai-gura (1688) : « A Osaka, les citoyens de marque n’étaient généralement plus les membres des vieilles familles, mais pour la plupart des nouveaux venus, Kichizô et Sansuke [Pierre, Jacques et Paul], qui s’étaient élevés dans le monde. » C’était des gens venus du Yamato, du Kawachi ou de l’Izumi dans l’idée de s’enrichir grâce à leurs efforts. « Les marchands prospères aujourd’hui sont arrivés il y a trente ans », poursuit Saikaku en citant pour exemples les noms de Kônoike et de Sumitomo.
Engelbert Kaempfer, le savant employé par les Hollandais qui se rendit à Osaka en 1690, décrivit la ville telle qu’il la vit : le trafic intense des bateaux sur le fleuve Yodo, la population foisonnante, les rues encombrées, l’abondance des victuailles, et tout ce qui « tend à contribuer au luxe et à satisfaire les plaisirs sensuels ». A n’en pas douter, les habitants d’Osaka constituaient une société d’amateurs de plaisir, de bonne chère et de pièces sentimentales, plus épicurienne que celle d’Edo. Mais ses marchands en tant que classe étaient des hommes sérieux et travailleurs, et un pressant désir de profit pénétrait la vie d’Osaka à tous les échelons de la société. A cet égard, sa population différait de celle d’Edo. où la classe dominante des guerriers méprisait le commerce.
CHAPITRE LVII
L’expansion de l’économie
L’AGRICULTURE
Le trait peut-être le plus frappant du début de l’histoire moderne du Japon est la croissance rapide de la production agricole, en quantité comme en variété, qui commença avec l’amélioration des méthodes de culture à la fin du xvii e siècle. En général, la production n’augmente pas là où la demande est stagnante, et il est intéressant de voir ce qui déclencha cette nouvelle activité. Probablement l’amélioration graduelle de la situation des paysans, leur confiance croissante en eux-mêmes et leur liberté relative devant l’ingérence des fonctionnaires les encouragèrent-elles à répondre aux demandes d’un marché qui allait manifestement en s’élargissant.
La culture commerciale était depuis longtemps pratiquée dans les riches exploitations servant les consommateurs de la ville de Kyoto, qui demandaient non seulement du riz mais aussi des légumes et des fruits. Les fermes étaient en fait des jardins potagers. Ensuite se fit sentir le besoin de nouveaux produits comme le thé, le tabac, le chanvre, les feuilles de mûriers (pour les vers à soie), l’indigo et (surtout dans les provinces de Settsu, Kawachi, Izumi et Yamato) le coton. C’est d’ailleurs le coton dont la production augmenta le plus rapidement. Au cours des premières décennies, un dixième environ des terres irriguées de ces provinces étaient, dit-on, consacrées à la culture cotonnière.
Le coton était plus avantageux que le riz, et les récoltes subsidiaires de tabac et de thé étaient elles aussi d’un très bon rapport. Un changement de tempérament se fait ainsi clairement sentir dans les villages, où, désormais, les paysans ne sont plus mus par le souci de satisfaire le collecteur d’impôts, mais par un désir de profit. L’agriculture est maintenant une affaire, un commerce plutôt qu’un métier. Beaucoup de travail agricole est effectué par des employés qui n’ont pas de terres, et qui, peu à peu, commencent à partir pour la ville (à Sakai ou à Osaka), où les perspectives d’avenir leur paraissent prometteuses.
Ce changement dans le caractère du village fut relevé par un fonctionnaire
(daikan) du bakufu, Tanaka Kyùgo, dans son Minkan shôyô, où il décrit les conditions sociales telles qu’elles se présentent au début du XVIIIe siècle. Il notait en effet que les exploitations de type ancien se faisaient de plus en plus rares. Dans la plupart des villages, les paysans prospères ne vivaient plus seulement de leurs
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