Histoire du Japon
particulier ni une grande importance. Elle consiste, dans les mêmes proportions que d’habitude, en une succession de querelles et de rivalités d’influence, et peut, dans l’ensemble, être considérée comme une période où l’autorité impériale commença par se maintenir avant de se laisser grignoter par les chefs des grands clans, notamment les membres de la famille Fujiwara, qu’avait fondée Nakatomi au vue siècle.
L’empereur Kammu (qui monta sur le trône en 781) gouverna d’une main ferme, comptant essentiellement sur son propre jugement ; d’ailleurs, les historiens japonais s’accordent à dire que la puissance et le prestige du Trône ne furent jamais plus grands que sous son règne. Il mourut en 806, et ses successeurs immédiats se montrèrent moins capables de résister à l’influence des grands nobles. Suivant sa politique, la famille Fujiwara continuait à accroître son pouvoir politique en fournissant des épouses ou des concubines à l’empereur, en sorte que, grâce à leurs alliances avec le souverain, ses membres étaient à même d’occuper tous les postes de commandement gouvernementaux, de celui de chancelier ou de régent à des fonctions plus modestes mais toujours importantes dans les ministères et dans les bureaux. Durant un certain temps, les chefs du clan Fujiwara surent pourtant employer leur puissance avec discrétion, et s’avérèrent en général des administrateurs capables.
Entre 857 et 872, Fujiwara Yoshifusa remplit les fonctions de chancelier puis de régent. Fujiwara Mototsune lui succéda et occupa les charges les plus élevées de 873 à 891. Durant approximativement un siècle, tandis qu’un empereur après l’autre luttait contre la prédominance des Fujiwara dans les affaires d’État, une bonne partie du travail administratif s’effectua, honnêtement sinon toujours efficacement, sous les ordres directs du Trône. Le clan Fujiwara, dont les diverses branches étaient en désaccord, ne pouvait d’ailleurs présenter à ses adversaires un front aussi uni qu’il le ferait plus tard, si bien que des hommes d’État d’autres familles étaient en mesure d’aider le souverain à défendre la prérogative impériale. Un effort pour briser la puissance des Fujiwara fut même tenté par l’empereur Daigo, qui voulait gouverner et pas seulement régner. Mais il ne réussit qu’à moitié, et à sa mort, en 930, c’est encore un Fujiwara qui fut nommé régent. Par la suite, jamais les souverains ne recouvrèrent une pleine autorité. Ils continuèrent d’être respectés, voire vénérés, en tant que chefs de la nation, mais sans plus exercer les pouvoirs politiques suprêmes. Tous d’ailleurs n’en étaient pas capables, et certains abdiquèrent sous la pression ou la menace à un âge précoce. D’autres se consacrèrent à l’exercice de la littérature, de la peinture ou de la calligraphie, et d’aucuns devinrent de fervents disciples du bouddhisme.
Durant ce siècle, les principaux problèmes politiques dont le gouvernement eut à s’occuper furent, d’abord, la poursuite des campagnes contre les aborigènes des provinces de l’Est et du Nord, qui s’opposaient au défrichement de nouvelles terres ; deuxièmement, la réforme des systèmes foncier et fiscal, dont l’échec ruinait l’autorité de l’administration centrale et des officiers provinciaux et compromettait la stabilité financière ; et enfin, la réorganisation de tout le système administratif emprunté à la Chine, qui se révélait inapplicable.
Pour donner une toile de fond à la description de la vie sociale et religieuse aux IX e et xe siècles, nous allons voir ces trois questions l’une après l’autre, en commençant par la colonisation des provinces de l’Est et du Nord.
Problèmes de colonisation et de frontière : Après la réforme de 645, la situation générale du pays s’était graduellement améliorée. Malgré de fréquentes querelles de succession et autres désordres sporadiques, des conditions de vie relativement sûres entraînèrent un certain accroissement de la population et un mouvement général d’expansion. La plaine du Kinai, toute fertile qu’elle fût, ne pouvait nourrir beaucoup plus de gens alors que le niveau de vie s’élevait ; des personnes entreprenantes commencèrent donc à émigrer vers l’est à la recherche de nouvelles terres cultivables. Elles s’avancèrent tout naturellement dans la direction
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