Histoire du Japon
gouvernement central, intéressés au premier chef par la protection de la propriété privée.
Mais ce système n’entra jamais réellement en vigueur, et il n’existait pas d’organisation responsable du maintien de la paix au nom de la Couronne. Vers l’an 800, les domaines privés (« shôen ») étaient en réalité devenus si vastes et le séparatisme local si développé que le gouvernement avait perdu presque tout pouvoir dans les provinces lointaines. Selon les récits de l’époque, le désordre, la violence, les déprédations commises par des bandes de pillards étaient tels que les paysans en étaient réduits à s’armer pour leur propre défense, et à s’attacher à de puissants propriétaires fonciers pour en obtenir protection. Parmi les magnats les plus riches, certains entretenaient leur propre troupe, dont ils n’hésitaient pas à faire usage pour attaquer leurs rivaux personnels, ou même pour envahir certains domaines publics.
C’est dans ces circonstances que commença à se former une classe de guerriers privés, qui, avec le temps, allait dominer le pays. Bien avant la période de réforme, il était courant qu’on recrutât pour des expéditions contre la Corée des hommes originaires de l’Est, qui, formés à la guerre dans leurs luttes contre les aborigènes, jouissaient de la plus haute réputation. On les connaissait sous le nom d’Azumabito (« Hommes de l’Est »), et la littérature la plus ancienne chante déjà leurs louanges. Les troupes gouvernementales régulières des provinces orientales, elles, n’étaient pas de cette trempe. Leurs capitaines étaient même de tels incapables qu’en 783 l’empereur leur reprocha publiquement leur couardise, et ordonna qu’une nouvelle campagne fût entreprise sous un commandement compétent.
Un « Général de l’Est » fut désigné, mais il mourut en 786 avant d’avoir pris l’offensive, et ce n’est que trois ans plus tard qu’une troupe bien équipée, placée sous les ordres d’un nouveau commandant, pénétra de Taga à l’intérieur de la province de Mutsu, où elle fut ignominieusement battue par les Aïnous à proximité de l’actuelle ville de Morioka. Courtisan plutôt que soldat, son général en chef fut rappelé, jugé et condamné à une peine légère, tandis qu’on s’occupait de mettre sur pied une nouvelle expédition, celle-ci mieux préparée. Enfin, un commandant fut nommé, en 791, à qui l’on conféra le titre de Seitö Taishi, c’est-à-dire « Envoyé pour la Pacification de l’Est » ; son second était Sakanoue Tamuramaro, dont l’histoire du Japon a fait un parangon des vertus militaires. Tamuramaro précéda son chef sur le front en 793, et, en 795, tous deux firent dans la capitale un retour triomphant. Mais pendant une décennie ou plus, il fallut maintenir la pression contre les Aïnous et encourager les cultivateurs à s’installer près de la frontière effective afin de fournir une défense permanente contre les razzias et incursions que les succès de Tamuramaro n’avaient pas totalement enrayées. Pour y mettre bon ordre, il reçut en 800 un nouveau commandement. Après une série de campagnes qui se prolongea jusqu’en 803, il atteignit enfin son but et parvint à repousser la frontière septentrionale jusqu’à Izavva et Shiba, où des forts furent construits et des garnisons installées. Sa mission revêtait pour la cour une si grande importance que le titre de Sei-i Tai-Shôgun, ou « Généralissime Dompteur des Barbares », qu’il fut le premier à porter, serait ensuite pendant un millénaire le titre le plus envié de l’armée de terre.
Les frais de ces campagnes furent très élevés. Le poids en retomba essentiellement sur le petit cultivateur. En outre, il fallait bien que le contribuable payât le matériel et la main-d’œuvre pour la construction de la nouvelle capitale. En 805, on vit les conseillers du Trône discuter la question d’un Acte de Grâce annulant les impôts et les dettes privées en suspens, et reconnaître que le peuple souffrait du coût de la guerre et de la construction publique. Ils avaient certainement raison, mais ce n’était pas là les seules causes de la misère agricole et de l’échec de l’autorité provinciale.
Malgré les succès retentissants de Tamuramaro, les Aïnous continuèrent leurs incursions, quoique à une moindre échelle, jusqu’en 811 sinon plus longtemps. Ainsi, ils résistèrent
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