Histoire du Japon
générale de la plaine du Kantö, la plus vaste région alluviale convenant à la culture du riz par irrigation. Dans les provinces situées à l’est de la barrière montagneuse de Hakone, il existait depuis longtemps des colonies disséminées, car la richesse du sol attirait depuis toujours les paysans les plus robustes et aventureux. Ils avaient conquis leurs domaines en repoussant les occupants aborigènes, les Ezo (ou Aïnous, comme on les appellerait plus tard), dont les ancêtres peuplaient la région du Kantö en grand nombre depuis l’époque néolithique. En 720, la frontière nord avait été repoussée jusqu’à Taga, à quelques kilomètres de l’actuelle Sendai. Cependant, quoique de nombreux Aïnous eussent été pacifiés et vécussent en bonne intelligence avec leurs voisins japonais, il restait – surtout dans les provinces septentrionales du Mutsu et du Dewa – une très vaste population insoumise, parmi laquelle des Japonais qui avaient lié leur sort à celui des Aïnous. Ces irréconciliables faisaient de fréquentes razzias contre les colonies situées au sud de leurs propres camps. C’étaient des combattants tenaces, et les troupes envoyées au secours des colons étaient incapables d’en venir à bout.
Cet échec s’expliquait par la complète insuffisance des dispositions militaires prises par le code de Taihô. Elles prévoyaient un service national dans lequel tous les hommes de vingt à soixante ans pouvaient être appelés à faire leur devoir militaire soit dans les troupes de province ou les régiments de gardes stationnés dans la capitale, soit dans les troupes frontalières mises sur pied contre les Ebisu (les « barbares ») ou contre des attaques venant du continent, attaques qui, à l’époque, ne paraissaient pas impossibles. Mais, chose étonnante chez un peuple de tradition aussi belligérante, au VIIe siècle, la classe dirigeante avait une conception essentiellement civile, et préférait le compromis à la violence, étant, sans doute sous l’influence bouddhique, ennemie du sang versé. En 701, on avait interdit la détention d’armes par des particuliers ; l’uniforme des officiers d’État ne comprenait pas d’instruments mortels pour symboliser leurs pouvoirs, et la profession de soldat n’était pas respectée. Cet état de fait était partiellement diï aux idées chinoises ; il était inhérent à la structure administrative, qui n’accordait que peu d’importance aux dispositions militaires sauf lorsqu’il s’agissait de défilés et de parades. Mais sa cause immédiate était le mauvais fonctionnement du système de recrutement.
Le service militaire était un lourd fardeau pour les familles de petits paysans, et leurs jeunes gens faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour y échapper, soit en prenant la fuite, soit en travaillant sur les terres de riches propriétaires ou fonctionnaires, parfois comme domestiques. Le système était très contraignant. Chaque conscrit devait fournir ses propres armes, provisions, chaussures, ustensiles de cuisine, etc. De plus, chaque groupe de dix hommes devait procurer et nourrir six chevaux, et apporter des bêches, des haches, des faucilles et autres outils. Les familles concernées étaient exemptées de certaines charges fiscales, mais non des impôts ordinaires sur le riz et autres produits. Le fardeau était si accablant que, selon un dicton populaire, lorsqu’un homme était appelé, sa famille était ruinée. La moyenne et la haute bourgeoisie se réclamaient de toutes sortes de droits et prétextes pour éviter le service militaire.
Au VIIIe siècle, le manque d’hommes instruits était tel que les troupes frontalières ne pouvaient contenir les Aïnous et que le gouvernement se vit obligé de prendre de nouvelles mesures militaires. En 792, sous l’empereur Kammu, le principe du service militaire universel (qui n’avait jamais été pleinement appliqué) fut abandonné, et le soin fut laissé au gouvernement de chaque province de constituer sa propre armée en enrôlant des jeunes gens valides tirés au sort non parmi les familles paysannes ordinaires, mais parmi celles des officiers de district et autres membres de la noblesse terrienne ayant obtenu dee la cour un ordre de mérite 8 . En d’autres termes, la responsabilité de la défense et du maintien de l’ordre fut confiée aux mains d’une classe de propriétaires fonciers opulents, localement puissants mais liés au
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