Histoire du Japon
patriotes sincères. Il les punit, les persécuta et finit par leur enlever la vie (respectivement en 1841 et 1850). Leur histoire montre bien quel puissant sentiment pouvait susciter parmi les gens honnêtes la politique obscurantiste et capricieuse du bakufu.
Une étude de leurs vies ne laisse aucun doute sur le fait que, tout à fait en dehors des intrusions étrangères, la fin de la politique d’isolement était déjà en vue. L’un des arguments contre l’isolement, d’ailleurs rarement utilisé sauf par le lettré Sakuma Zôzan (1811-1864) et quelques autres, mais peut-être le plus convaincant, était le besoin de renforcer l’économie nationale, avait toujours été sujette à des crises du fait que le Japon ne pouvait importer de nourriture en période de famine. Si l’on considère l’histoire du Japon au cours d’un siècle ou plus précédant 1840, on y voit une suite de famine entre des intervalles d’abondance – famine de Kyöhö (1732-1733), lines de Temmei (1783-1787), famine de Tempo (1832-1836). Et en plus de catastrophes majeures, il y eut de nombreuses récoltes désastreuses dans différentes régions du pays, dues à des inondations, des sécheresses, insectes et des épidémies.
La famine de Tempo s’aggrava en 1833, et la situation était plus grave que juste après la famine de Temmei, où la plupart des fiefs avaient réussi à constituer des réserves. Maintenant, les réserves ne pouvaient maintenir les gens en vie que pour une brève période. Les paysans et les citadins en avaient conscience, et ils ne tardèrent pas à se soulever et à manifester avec violence. D’Osaka, les émeutes se répandirent jusqu’aux lointaines provinces du Nord, de l’Est et de l’Ouest, leurs principales victimes étant les négociants en riz et en coton, dont certains achetaient pour constituer des réserves et non pour vendre dans l’immédiat. Lors d’une révolte qui débuta en 1836 dans la province de Kai, la foule des paysans qui suivaient les grandes routes couvrait, dit-on, plus de trente kilomètres.
On se souvient que, au XVIIIe siècle, il y avait eu plusieurs pseudo-réformes qui, en fait, visaient à rétablir des conditions normales après des périodes de désastre. Elles se poursuivirent au xix e siècle, la dernière étant la réforme de Tempo, tentée par Mizuno Tadakuni, qui devint en 1841 le membre principal du conseil des Aînés.
Durant la vie du déplorable shôgun Ienari, Mizuno se trouva dans l’impossibilité de prendre une initiative politique indépendante, mais il se prépara à remplir les plus hautes fonctions par l’étude, considérant Matsudaira Sadanobu comme un homme d’État modèle, dont il devait suivre l’exemple. Au début, ses progrès furent lents, et il lui fallut recourir à la corruption. Mais son heure vint après la mort de Ienari, en 1841, lorsque son fils Ieyoshi, déjà shôgun en titre, reprit le gouvernement. Ieyoshi, qui resta en fonction jusqu’en 1853, n’était dirigeant que de nom, et les problèmes de l’administration étaient maintenant en grande partie entre les mains de Mizuno. La situation à laquelle il lui fallait faire face était d’une grande difficulté.
Du fait de la famine ou du mauvais gouvernement, les villes n’avaient cessé de s’agiter durant les premières décennies du siècle, où, comme les habitants des campagnes, les citadins avaient connu de fréquentes révoltes. En fait, il n’est pas facile de distinguer les soulèvements des paysans de ceux des citadins, qui venaient bien souvent de villages abandonnés. Les travailleurs à la journée, les petits boutiquiers et les vagabonds sans emploi s’associèrent pour piller les maisons des prêteurs et des riches marchands dans une douzaine au moins parmi les plus grandes villes. En 1837, de violentes émeutes, suscitées et organisées par ôshio Heihachirô, éclatèrent à Osaka. Leur histoire vaut la peine d’être racontée, car elle révèle un courant de sentiments hostiles au bakufu et à ses officiers qui gagna l’ensemble du pays.
Oshio était un lettré qui avait obtenu un poste de magistrat à la cour de police, mais vendait ses ouvrages pour aider les pauvres et projetait, avec une vingtaine de ses amis, de lancer une grande manifestation contre les autorités de la ville, dont l’indifférence le rendait furieux. Ils devaient provoquer des incendies dans la ville et piller les maisons des riches. Ils y réussirent,
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