Histoire du Japon
détruisant de nombreux bâtiments. Mais les autorités municipales avaient eu vent de leurs intentions, et des troupes de la garnison d’Osaka furent appelées à l’aide. Il s’ensuivit d’âpres combats, au cours desquels les émeutiers furent écrasés, mais pas avant que des milliers de maisons et de magasins n’eussent été incendiés au cours d’une lutte qui se prolongea deux jours, ôshio s’enfuit à la campagne, mais revint au bout de quelques jours. Sa cachette fut découverte par la police, qu’il frustra de sa capture en mettant le feu à la maison et en se suicidant.
L’échec des gardiens d’un des plus grands châteaux Tokugawa, incapables de prévenir une telle émeute, les rendit ridicules aux yeux des citadins, qui brocardèrent de méchantes plaisanteries. Ils prirent tout particulièrement plaisir à se moquer des deux commissaires municipaux qui avaient dirigé l’attaque contre les partisans d’Oshio. Ils étaient à cheval, mais tombèrent quand leurs montures bronchèrent en entendant des coups de feu. La nouvelle du soulèvement et d’incidents de ce genre se répandit à travers le pays et encouragea des révoltes similaires dans d’autres villes. Par défaut d’organisation sur le plan national, ils ne tardèrent pas à prendre fin ; mais pour de nombreux patriotes avides de réformes, la preuve de l’incapacité du bakufu était faite, et quant aux citadins, ils avaient pu se rendre compte des ridicules de la classe dirigeante.
Un manifeste d’Oshio parlait du prix élevé du riz, mais insistait aussi sur la tyrannie dont le peuple était victime de la part des fonctionnaires, qui avaient coutume d’utiliser la force plutôt que la persuasion. Il relevait en outre que l’on expédiait du riz à Edo alors que la disette régnait à Osaka, et l’on n’en envoyait pas à Kyoto, où résidait l’empereur. Il vaut la peine de noter ici que, comme Oshio, la plupart des réformateurs étaient des disciples de l’école philosophique d’Oyômei (Wang Yangming), qui prêchait dépendance d’esprit et était fort mal vue des confucianistes officiels. L’exemple d’Oshio fut suivi par des réformateurs d’autres régions du Japon, notamment dans le voisinage de Niigata par Ikuta Yorozu, disciple du grand lettré Hirata Atsutane, très bien disposé à l’égard du savoir occidental. Le soulèvement de Yorozu eut lieu en 1837, époque où la famine était largement répandue.
Les mesures de réforme introduites par Mizuno Tadakuni furent précédées de divers changements opérés dans l’administration de certains des fiefs les plus importants. Ce mouvement n’était pas spécialement dirigé contre le bakufu, mais provoqué par la pression des samurai de rang modeste qui étaient mécontents de la politique de leurs aînés. Le meilleur et l’un des premiers exemples d’hommes de ce type – qu’on appelait « shishi », ou hommes d’esprit public – est celui de Fujita Tôko (1806-1855), samurai au service de Tokugawa Nariaki, daimyô de Mito aux vues avancées qui, sur le conseil de Fujita et d’autres, procéda à divers changements administratifs à partir de 1832 environ. On dit que certaines des réformes opérées par le bakufu du temps de Mizuno lui furent suggérées par Nariaki. Comme on l’a vu des réformes similaires furent introduites vers la même époque dans leurs domaines par les tozama de Satsuma, Chöshü, Hizen et Tosa, qui comme le bakufu) s’inquiétaient des tendances de la politique extérieure et intérieure d’alors **.
Les réformes en question étaient politiques, et d’ordre économique plutôt que social. Elles réaffirmaient les principes traditionnels et n’adoucissaient pas les restrictions courantes apportées à la vie du fief. Elles visaient à l’économie. Les impôts et autres charges étaient augmentés plutôt que réduits, mais la direction des affaires devait échoir à des hommes du type de Fujita, qui estimaient que les dangers extérieurs ne pouvaient être surmontés que par la stabilité intérieure et des décisions fermes. C’était en fait une attaque
Concernant les convictions de Hirata, cf. Donald Keene, The Japanese Discovery urope, Londres, 1952.
On trouvera une analyse précieuse du rôle joué par Tosa in Marius Jansen, Saka-o Ryoma and the Meiji Restoration, Princeton, N. J., 1961.
contre le bakufu en même temps qu’une incitation à gouverner les fiefs de façon éclairée,
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