Histoire du Japon
quantités énormes de pièces d’or et d’argent, et que, outre sa femme et ses enfants, sa maisonnée comprenait six concubines, vingt servantes et trente-deux serviteurs. Fils de paysan, il était venu tout jeune à Edo, où, après avoir rempli d’humbles emplois, il trouva en 1820 une place à la Monnaie. Par la suite, il s’enrichit immensément par des méthodes qu’on imagine sans peine, et son frère, employé comme courtier, fit lui aussi une grande fortune.
Ce genre d’hommes appartenaient au parti de Torii Yözö et n’avaient aucune relation avec Tadakuni ; mais peu après que leurs cas eurent été réglés, l’enquête se porta sur les affaires de Tadakuni et de ses satellites. Le verdict porté contre lui stipulait que les délits commis alors qu’il était en fonction devaient être punis. Ses revenus ainsi que divers bâtiments et autres affaires furent confisqués, à l’exception d’une petite somme qui devait pourvoir à son entretien en résidence surveillée ; mais la nature de son crime n’était pas spécifiée, sans douie parce que son procès était de nature politique et non pas judiciaire.
L’année suivante (1845), Torii passa lui aussi en jugement. Il était accusé de nombreux délits, parmi lesquels la révélation de secrets officiels. Il était manifestement coupable de corruption et de déloyauté. C’était un xénophobe congénital, et c’est lui qui fut responsable des persécutions d’hommes comme Watanabe Kazan et Takano Nagahide. La cour qui le jugea déclara que sa conduite méritait le châtiment le plus sévère, mais elle fut assez indulgente pour ne le condamner qu’à l’exil.
CHAPITRE LXV
Infractions à la politique d’isolement
ARRIVÉE DE NAVIRES ÉTRANGERS
Nous avons vu qu’en 1825, alerté par l’annonce que des marins étrangers avaient débarqué sur le sol japonais pour chercher de l’eau et du combustible, le bakufu donna à tous les daimyô dont les domaines bordaient le littoral l’ordre de chasser à coups de canons tout navire étranger s’approchant des côtes, et d’arrêter et tuer tous les membres d’équipage qui mettraient pied à terre. Cet ordre n’empêcha pas d’occasionnels passages dans les ports japonais de navires rapatriant des naufragés ou cherchant à faire du commerce, puisqu’en 1837 un petit bateau non armé de missionnaires américains, le Morrison fut bombardé à Uraga puis à Kagoshima, alors qu’il cherchait à débarquer des naufragés japonais. Personne ne fut blessé, mais la politique du bakufu fut critiquée au Japon même comme susceptible de provoquer des représailles de la part de puissants navires étrangers, et elle fut par la suite adoucie au point que, en 1842, les autorités locales reçurent pour instruction de fournir de l’eau et du combustible aux bateaux étrangers et de leur « conseiller » de s’en aller.
Les bateaux de guerre étaient évidemment mal accueillis, mais sans être chassés. En 1845, le H. M. S. Samarang (un navire hydrographique) arriva dans le port de Nagasaki et fut, selon ses officiers, traité courtoisement « par les gentlemen du Japon ». Après leurs exploits dans la guerre de l’Opium, les navires de guerre britanniques devinrent une cause d’effroi. La défaite des troupes chinoises, le traité de Nankin qui en résulta (1842), et l’ouverture forcée de Nankin et autres ports au commerce étranger causèrent tant d’inquiétude que le bakufu travailla en hâte à améliorer ses défenses côtières et à augmenter l’efficacité des garnisons du littoral. Deux compagnies d’infanterie et d’artillerie furent équipées et entraînées à l’occidentale.
En 1844, le roi de Hollande envoya au Japon une étude approfondie sur la tendance contemporaine de la politique internationale, et conseilla au gouvernement japonais de renoncer à sa politique d’isolement. Mais le bakufu était obstiné. En 1848, un navire de guerre français reçut un accueil moins courtois que le H. M. S. Samarang, car il arrivait des Ryükyü où son capitaine avait proposé un traité au roi et débarqué un missionnaire. Ces deux actes déplaisaient fort au bakufu, mais puisque les Ryùkyu étaient sous le contrôle du daimyô de Satsuma, on le laissa libre de régler la situation à son gré. Il aurait pu signer un pacte avec les Français, car il brûlait de nouer de nouvelles relations commerciales, mais il se contenta de passer une affaire :
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