Histoire du Japon
c’est-à-dire comme l’entendaient des hommes comme Fujita lui-même.
Mizuno n’était pas hostile aux opinions de Fujita et de ses pairs, mais il ne pouvait tolérer l’appui que leur donnait ouvertement Nariaki, et qui correspondait à une attaque portée contre le gouvernement par le chef d’une des grandes maisons Tokugawa. En 1844, Nariaki fut donc condamné par le bakufu à demeurer chez lui.
Alors que ces problèmes occupaient l’attention de tels réformateurs, Mizuno avait à résoudre des questions urgentes et spécifiques plutôt que théoriques. Au début, ses progrès avaient été lents, mais ils s’accélérèrent à partir de 1841, où Ienari mourut, âgé de soixante-neuf ans. Il était impressionné par les nouvelles qu’il recevait de la guerre de l’Opium, dans laquelle la marine anglaise remportait des victoires faciles. Dans une lettre à un ami, il disait que le Japon devait en prendre note et envisager la possibilité d’une attaque de navires de guerre étrangers. Pour faire face à ce genre de dangers, il était essentiel de remettre d’aplomb le gouvernement du Japon. Tel était le genre de réforme qu’il avait en tête, et que l’on connaît sous le nom de réforme de Tempo.
Il entreprit de soumettre à une discipline stricte certains officiers de l’entourage du shôgun et bon nombre de femmes des appartements intérieurs, renvoyant en tout près de mille personnes. Sa réforme fut entreprise au nom du shôgun Ieyoshi. Elle fut beaucoup plus sévère que celles qui l’avaient précédée, notamment à l’égard des villes. Comme la plupart de ce genre de réformes, elle commença par tenter d’imposer la simplicité et l’économie. Comme de coutume, les édits somptuaires publiés dans ce sens demeurèrent lettre morte. La plupart d’entre eux étaient d’ailleurs absurdes. Les coiffeuses reçurent ainsi l’interdiction de pratiquer leur métier sous peine de cent jours de prison pour elles et la maison d’arrêt avec menottes pour leurs clients. Sans doute Mizuno donnait-il des ordres en termes généraux, ordres que faisaient ensuite exécuter selon leur fantaisie des hommes comme le commissaire municipal Torii Yôzô. Personnage sinistre qui détestait les étrangers et leur savoir, Torii employait des espions et des informateurs et était honni par la population, qui, non sans raison, le traitait de vipère et de démon. Maintes délicatesses furent alors interdites, et même le shôgun fut privé de certains de ses mets favoris.
Apparemment, l’expérience acquise dans l’administration d’un petit fief n’était pas une préparation suffisante pour gouverner une grande nation. Mizuno avait administré les fiefs de Karatsu et de Hamamatsu, mais il ne comprenait rien aux relations complexes entre sociétés citadine et rurale. L’une de ses premières erreurs fut d’essayer de ramener à leurs villages des paysans qui s’étaient installés en ville pour échapper à la famine dont souffraient notamment les provinces du Nord. Loin de réduire et de stabiliser les prix, ses efforts pour contrôler le commerce aboutirent au résultat inverse. Il décida de dissoudre les guildes marchandes ( kabunakama ) dans l’espoir de briser les monopoles, mais il fut incapable de vaincre la résistance des plus grands négociants en gros et dut abandonner sa politique. Ses méthodes étaient trop énergiques, et les produits vinrent à manquer sur les marchés, où les prix montèrent. Des décisions de ce genre lui attirèrent la colère des foules, qui attaquèrent sa résidence officielle. Il fut contraint de démissionner en 1844.
On ne peut guère reprocher à Tadakuni de n’avoir pas su réaliser les réformes qu’il projetait. De puissants intérêts, à la fois politiques et financiers, travaillaient contre lui, et justifient qu’on examine la scène contemporaine pour étudier certains abus qu’il s’efforça de supprimer. A cette fin, les documents les plus révélateurs sont les rapports du bakufu sur les affaires de certains riches marchands et leurs relations politiques. Parallèlement, on enquêta d’ailleurs sur la propre conduite de Tadakuni.
L’un des plus frappants de ces cas est celui de Gotö Sanuemon, dont la carrière justifie à elle seule la campagne d’économie entreprise par Tadakuni. Goto fut arrêté et traduit devant le hyöjösho, tribunal suprême du bakufu. La fouille de sa maison révéla qu’il possédait des
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