Histoire du Japon
faits aux riches marchands comblèrent le déficit, mais en 1840 la dette avait atteint la somme énorme de 85000 kan d’argent. Des tentatives furent faites pour détourner une bonne partie des gains des paysans et des commerçants dans la trésorerie du clan, mais cela impliquait de les priver de bénéfices non seulement sur la production de riz mais aussi sur la vente d’articles tels que le papier, la cire, le sel et l’indigo, dont le daimyô s’arrogeait le monopole.
Cette politique suscita le mécontentement des paysans et des commerçants, au point que, entre 1830 et 1837, il y eut des soulèvements presque continuels. Celui de 1831 fut particulièrement violent et causa dans le domaine des désordres d’une ampleur jusque-là inconnue. Il fut suivi de certaines mesures de réforme, bien qu’on ne puisse pas dire que les soulèvements en furent responsables ; en l’occurrence, le mot « réforme » prête d’ailleurs à confusion. Les paysans avaient certainement des sujets de mécontentement, mais ce dont ils se plaignaient n’était pas dû à la mauvaise administration, mais plutôt aux catastrophes naturelles qui plongèrent le pays dans la famine de 1832 à 1836. Il est important de reconnaître ces causes, car certains historiens modernes sont portés à voir ces soulèvements sous un angle idéologique et à les décrire comme révolutionnaires.
Les raisons économiques les plus élémentaires obligèrent le gouvernement du fief à reconnaître le danger de la situation. En 1840, le daimyô, Môri Tadachika, confia à Murata Seifu, un samurai de moyenne importance mais particulièrement capable, le soin de redresser la situation. Sous sa gouverne, les monopoles du clan furent abolis, et des droits de monopole sur le sel, le saké, le coton et autres produits importants furent vendus à des guildes marchandes. D’autres mesures financières furent introduites pour encourager la production, comme des emprunts à bas intérêt aux samurai, aux paysans et aux commerçants. On tira profit de la position privilégiée du fief à l’entrée de la mer Intérieure à travers le détroit de Shimonoseki en créant des mouillages et des ancrages pour les navires qui transportaient des marchandises de l’Echigo ou du Kyùshù à Osaka. On se mit à suivre soigneusement les fluctuations du marché d’Osaka pour expédier les marchandises au moment opportun.
A l’intérieur du fief, il y avait une division entre le parti conservateur qui était au pouvoir et un parti progressiste essentiellement constitué de samurai de rang moyen ; mais le parti conservateur n’était pas opposé en principe à la politique menée par Seifu. Tout le monde était d’accord pour promouvoir les entreprises susceptibles d’augmenter la puissance du clan. Ce mouvement se nourrissait d’ailleurs du sentiment antibakufu qui régnait dans l’ensemble des fiefs tozama et était particulièrement puissant au Chöshü. En fait, on peut dire que le Chöshü était l’initiateur de cet antagonisme, bien qu’il ne faille pas imaginer que ni lui ni aucun autre fief n’aient alors projeté de renverser le gouvernement Tokugawa. Ce que tous voulaient, c’était le plus d’indépendance possible non seulement vis-à-vis du bakufu mais aussi des autres daimyô, et ce désir rendait nécessaire de développer au maximum dans chaque domaine les ressources matérielles et humaines.
Au Chöshü, la pseudo-réforme de Tempo ne fut pas, en fait, un mouvement politique, mais une phase d’organisation économique destinée à accroître la production. Dans ce sens, la « réforme » fut un succès, et la richesse du clan continua d’augmenter. Malgré certaines dissensions intérieures, la discipline traditionnelle des samurai fut maintenue.
Vers le milieu du siècle, le fief était en position forte en ce qui concerne la préparation militaire et l’esprit de ses combattants. On pourrait supposer qu’avec une dette de 85000 kan d’argent, sa situation financière était précaire, mais il avait de longue date des ressources cachées. Il avait d’importantes réserves et un fonds de caisse qui pouvaient être utilisés pour équilibrer les comptes en cas de besoin. C’était le fruit d’une administration soigneuse et prévoyante, et c’est ce qui permit aux dirigeants d’acheter un armement moderne et de jouer ainsi un rôle déterminant dans la tempête politique nationale qui se préparait.
Des changements
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